Jean-Christophe a été volontaire DCC Sokodé (Togo) deux ans et demi. En février 2020, il a décidé de ne pas se rendre sur son lieu de mission en avion. Soucieux de son impact carbone, il a choisi de profiter des cabines libres proposées par les cargos. Et au retour, il a fait une petite partie de son trajet à vélo, train et bus. Il nous explique sa motivation et ce qu’il en a tiré.
Certes, les cargos émettent énormément. Je pourrais argumenter que ramené au kg, c’est très peu, mais j’y trouvais surtout un autre intérêt : voyager lentement.
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D’abord pour se rendre compte de la distance que l’on parcourt. Voyager lentement m’a ainsi aidé à rester longtemps : avec trois semaines à l’aller et un mois au retour, je n’allais pas me contenter d’une petite année sur place. Bien sûr, cet argument est purement psychologique, mais ça m’a aidé à rester.


Voyager lentement m’a aussi permis d’avoir le temps de faire le deuil de tout ce que je quittais (tant à l’aller qu’au retour d’ailleurs). Nous sommes humains, et il faut du temps pour tourner la page. Accepter que je ne reverrai plus ma famille, mes amis, mes collègues avant longtemps. Laisser tomber l’aigreur d’un job qui s’est mal terminé, ou d’un projet qu’on aurait voulu achever avant de partir. Trois semaines de traversée, sans téléphone, sans internet, en plein carême, c’était parfait. À l’arrivée, mon esprit était dégagé de tous ces attachements, ces préoccupations. J’étais alors pleinement disponible aux nombreuses découvertes que la mission allait m’apporter.
Nous n’avons pas pu éviter totalement l’avion au retour. Ma sœur était venue passer un mois au Togo, puis nous avons pris un mois pour le retour : trois semaines de vélo, 4h d’avion et une semaine de train/bus au Maroc et en Espagne. Nous en avons profité pour rendre visite à tous les volontaires qui étaient sur notre chemin. Là encore, j’ai apprécié cette transition douce.

En tant qu’ancien pilote privé et ancien ingénieur aéronautique, ma décision de ne plus voler peut sembler brutale. Je ne souhaite pas renoncer à toute forme de technologie. Il s’agit de mettre des priorités : développer les soins, assurer une agriculture, c’est prioritaire. Voler, moins. En effet, il n’est plus acceptable aujourd’hui de voir certains prendre l’avion plusieurs fois par an pour aller aux Seychelles, tandis que d’autres peinent à obtenir un vélo pour aller vendre leurs légumes au village (j’en ai croisé).
Cela demande des choix de vie et de sobriété qui sont parfois difficiles. Il s’agit ici de justice et d’équité. Le pape François le dit très bien dans l’encyclique Laudato Si’ : « l’heure est venue d’accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde, mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d’autres parties. »1
1.Pape François, Encyclique Laudato Si’, §193.
