Raphaëlle, Charly et leurs 4 enfants ont vécu une expérience de volontariat à Manille, aux Philippines. Habitués de l’expatriation, ils nous partagent avec humilité la singularité de cette aventure familiale, loin de leur confort habituel.
Quelles étaient vos missions ?
Moi, Raphaëlle, j’étais chef de projet « Little Angels Academy » pour Life Project 4 Youth (LP4Y), j’ai monté des nurseries au riche contenu pédagogique avec notamment des partenariats avec le Lycée Français de Manille et la British School of Manila où les salariés se rendent régulièrement pour s’inspirer des meilleures pratiques. Ceci permet aux jeunes mamans des centres de Tondo et de Payatas d’y laisser leurs enfants en journée pour se former sereinement au Life Project Center de LP4Y ; celles qui travaillent peuvent également y avoir accès et ainsi confier leur(s) enfant(s) à des équipes formées au bien-être et à l’éveil de l’enfant dans un environnement sain et sécurisant. Le projet a été pensé dans sa globalité puisqu’il a été dupliqué au Népal et en Inde ; ces LAA peuvent désormais être montées dans tout centre accueillant de jeunes parents.
Charly était coach d’une équipe de 17 jeunes mamans dans le centre de Tondo. Le travail consiste à apprendre les bases du business à travers la gestion d’une micro-entreprise et de leur donner les bases de l’anglais, de l’informatique et de la communication. Le plus important étant probablement la remise en confiance des jeunes qui sont déscolarisés depuis des années et qui n’imaginent pas qu’ils puissent un jour avoir un travail décent.
Comment vos enfants ont-ils vécu cette aventure ? Comment cela a participé à leur construction ?
Nos enfants étaient déjà habitués au changement puisqu’ils ont toujours vécu à l’étranger. Nos filles aînées (Inès et Pénélope) sont nées à Londres, Balthazar à Singapour et la petite dernière Eugénie à Tel Aviv. Il n’y a donc pas eu d’adaptation particulière, d’autant qu’ils suivaient déjà une scolarité anglophone. Cette expérience aura vraisemblablement confirmé leur capacité d’adaptation, puisque cette fois-ci nous ne vivions pas dans des conditions confortables d’expatriés mais bel et bien comme les locaux. Ils ont développé leur créativité et leurs liens fraternels puisqu’ils étaient davantage entre eux et avec moins de ressources. Une de nos filles a manifesté beaucoup d’empathie et d’intérêt dans notre projet, l’autre, pragmatique, a renforcé son sérieux et sa motivation à l’école pour « ne surtout pas finir dans un bidonville ». Balthazar a amélioré son anglais et s’est rapproché de sa petite sœur. D’un naturel gai et facile, Eugénie a développé sa sociabilité et son goût pour la fête, la danse et la musique.
Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ? Comment a-t-elle influencé vos projets au retour ?
Je le savais déjà mais cette expérience a confirmé que si l’envie est là, l’individu s’adapte à presque tous les contextes. Apprendre à vivre avec le minimum n’a rien d’exceptionnel et on y prend goût rapidement. En mission, on est en permanence face à l’essentiel et cela fait un bien fou. Le sentiment de travailler en donnant du sens à son quotidien et de faire avancer les choses est également une grande source de joie.
Journaliste et coach avant la mission, cela a renforcé ma conviction que j’avais résolument bien trouvé ma voie déjà avant. Pour Charly qui était avant dans le monde corporate de la Fintech, cette expérience marquera un tournant de carrière, et surtout de vie. Comme je le pressentais, il s’est révélé à lui-même dans cette mission et il a désormais trouvé un projet qui fait sens et dans lequel il met toute son énergie.
Vous êtes de grands voyageurs, vous avez vécu dans de nombreux pays… Qu’est-ce qui vous a marqué aux Philippines ?
Le sourire philippin n’est pas un mythe ; il nous a portés et nous portera encore longtemps, c’est certain. Le sens de l’autre et du service sont également des composantes de la culture philippine qui m’ont touchée. Le temps n’a clairement pas la même valeur et ils prendront toujours le temps qu’il faut pour veiller sur l’autre. Ce qui m’a moins plu, c’est l’américanisation extrême des modes de vie de ces peuples rivés en permanence sur leurs écrans et vénérant toute sorte de fastfood et de junk food. Je suis personnellement très inquiète de l’évolution de l’obésité dans ce pays et par le fait que la culture philippine s’efface tant devant des cultures occidentales jugée tristement par eux comme plus «attrayantes ». Je comprends mais trouve cela personnellement préjudiciable.
Avez –vous rencontré des difficultés pendant votre volontariat ? Comment y avez-vous fait face ?
Le plus grand défi, comme dans de nombreuses missions j’imagine, reste soi-même. Personnellement, j’ai eu beaucoup de mal avec le fait que la parole n’ait aucune valeur. Pour moi qui prône la fiabilité et le respect de l’engagement, cela a été extrêmement difficile car je prenais tout manquement comme un manque de respect. Le rythme indolent et la lenteur d’exécution a également été difficile pour quelqu’un comme moi d’ultra-organisé qui optimise en permanence et qui a horreur de perdre son temps ! Alors on en profite pour travailler sur soi et se recentrer, c’est probablement un des grands enseignements de la mission. Revenir à l’essentiel et se satisfaire d’un petit pas plutôt que se lamenter du long chemin qu’il reste à parcourir. Cela demande de l’énergie et une forme de résignation, mais c’est nécessaire si on ne veut pas être en permanence frustré ou en colère.
Quels conseils pourriez-vous donner aux futurs volontaires, aux familles qui souhaitent vivre cette aventure et n’ont pas encore sauté le pas ?
Une chose est certaine et nous en avons fait l’expérience : les enfants s’adaptent et ne posent aucun problème (en tout cas jusqu’à 11-12 ans). Mais ce sont des éponges donc si les parents doutent ou ont une quelconque appréhension, ils le sentiront immédiatement. L’autre chose dont j’ai pris conscience, c’est le fait de ne rien attendre de la mission sur les enfants. En partant vivre cette expérience unique on sème des graines dans leur cœur mais on ne sait clairement pas les fruits qu’elles donneront. Apprendre à n’avoir aucune attente là-dessus a été une vraie leçon. Et encore aujourd’hui je ne sais pas en quoi et comment la mission influencera leur vie. Mais une chose est certaine, ce souvenir et cette aventure auront été des étapes fondatrices de notre vie de famille.