Témoigner, célébrer, servir : la mission du volontaire !

Agnès

responsable de communication en Côte d'Ivoire

L’envie de « partir au service » m’animait depuis plusieurs années. J’ai découvert le volontariat de solidarité internationale et l’ai vu comme une réponse à ce que je cherchais. Aussi, c’était pour moi une manière concrète de participer à la Mission de l’Église, une manière contemporaine et bien réelle d’être missionnaire. Tout volontaire, comme le missionnaire d’antan, « se met en mouvement et est poussé en dehors de lui-même ». Volontairement ou non, consciemment ou non il répond à l’appel de se lever de son canapé, « de sortir de chez lui, de sa famille, de sa patrie, de sa langue, de son église locale ».

Après avoir fini mes études et travaillé 8 ans, j’ai démissionné et me suis lancée… après une période de discernement personnel puis de formation et préparation, en mars 2017, j’ai donc décollé pour Abidjan en Côte d’Ivoire : envoyée en volontariat de solidarité internationale par Inigo et la DCC au Centre de Recherche et d’Action pour la Paix, un institut universitaire et social jésuite créé en 1962. Dès lors, j’étais en mission. Mais pour moi, si le volontariat participe à la Mission de l’Église, celle-ci ne commence pas au décollage. Ma vocation et mission de baptisée se vit déjà ici avant de se vivre là-bas.

En tant que baptisée je suis appelée à annoncer, célébrer et servir.

TÉMOIGNER
L’annonce, que j’appelle aussi le témoignage, est permanente. Cela débute avant le départ, lorsqu’on se prépare. On échange avec des volontaires rentrés de mission, avec des curieux qui s’interrogent sur une telle démarche, avec celles et ceux qui se préparent aussi à partir… on évoque la soif de servir, la gratuité du don, l’appétit pour la rencontre, la découverte de l’Autre… l’envie de partir.
Lors du volontariat, le témoignage se vit quotidiennement. En Côte d’Ivoire, je l’ai plus particulièrement ressenti par ma simple présence. Pour mes amis, mes collègues, les inconnus rencontrés au fil de mes journées, être, simplement être présente était déjà témoigner. La parole, les questions, les échanges autour d’une bière ou d’un poulet braisé, une veillée en paroisse, la rupture du jeûne chez une amie musulmane ou un mariage traditionnel au village : le témoignage se vivait avec des mots, des actions, des questions ou tout simplement un sourire, de la joie, de la présence.

Le témoignage il est aussi au retour, ce que l’on partage de notre expérience, de nos rencontres, de notre vécu, ce qui nous a animé, porté. Les anecdotes et les images qui restent. Les enfants qui m’appelaient ma « sœur » car pour eux une blanche est forcément religieuse ; les bénédictions d’inconnus lors de mes voyages ; le silence incroyable d’une assemblée de 4000 personnes à la messe du jeudi Saint ; les danses, la joie et les chants lors de funérailles… Quels ponts se sont construits et se tissent entre le ici et le là-bas. Entre celle que j’étais avant de partir et celle qui revient ? En ce sens la mission ne s’arrête pas. Je pense que le volontaire de retour doit témoigner de ce vécu. J’aime échanger avec des personnes qui se posent la question du départ, qui ont l’envie mais une certaine appréhension de l’inconnu.

CÉLÉBRER
Célébrer ? les Ivoiriens aiment la fête. Avec eux j’ai mieux appris à célébrer la vie. J’ai découvert que « célébrer » n’est pas réservé aux temps de messes et manifestations religieuses – aussi longues, belles et colorées soient-elles. En Côte d’Ivoire, à Abidjan, on célèbre Dieu, le Créateur, dans les moments simples du quotidien. On est loin de la laïcité à la française ! Dieu est partout : quand on se salue en arrivant au travail, quand on croise un inconnu, lorsque l’on demande des nouvelles de la famille. Même les taxis de la ville sont tagués avec des proverbes bibliques, des louanges et des clins d’œil à Dieu, à la foi. Peu importe notre religion, chrétien ou musulman, Dieu est là et on le célèbre ensemble. La joie des ivoiriens est contagieuse. Elle célèbre l’espérance malgré les difficultés et des réalités pas très roses du quotidien. Lors des funérailles, les célébrations durent plusieurs jours. On fête la vie du défunt. On danse et chante jusqu’au bout de la nuit dans la rue, dans le village.

SERVIR
En tant que volontaire je désirai me mettre au service de mon partenaire local, de la structure qui m’accueillait, de mes collègues, des personnes que je rencontrais. Servir c’est se donner gratuitement à l’autre. On se met au service, on donne de notre temps, on partage nos compétences, notre regard différent. À travers le service on tisse des relations, on change notre regard, on grandit.
Me défaire des calculs de carrière, des ambitions de promotions ou de primes a été, pour moi, libérateur. En volontariat, on se concentre sur le quotidien de notre mission. Au CERAP je devais chercher à répondre aux mieux aux questions et aux problèmes qui se posaient.
Pour moi, le service est synonyme d’action. En ce sens, partir en volontariat c’est agir. C’est sortir de mon canapé, aller à la rencontre, sortir de moi-même, vers l’Autre. Pendant ces 24 mois, servir c’était parfois tout simplement être une personne de plus et se retrousser les manches, c’était adapter une expérience passée pour trouver une solution à une situation locale, c’était venir avec d’autres idées… En ce sens, servir, agir, c’est aussi témoigner et annoncer.

Témoigner, célébrer, servir… d’accord, et alors ? À quoi est-ce que cela m’appelle aujourd’hui ?

De retour en France depuis 7 mois, je ne veux pas être une « catho canapé ». On ne me verra pas évangéliser sur les plages ou dans le métro – chacun son charisme, chacun sa vocation – mais l’échange et le partage du vécu me semblent faire partie de la mission, ma mission. Je crois que la volontaire qui « s’est mise en mouvement et s’est poussée en dehors d’elle-même » il y a 2 ans doit poursuivre dans cet élan.
La mission là-bas se poursuit ici à travers mon témoignage, à travers les choix personnels et professionnels à prendre.