Quand une infirmière volontaire se retrouve subitement à la tête d’un centre de santé

C’est en tant qu’infirmière qu’Agathe a été envoyée en mission auprès du CPSS, dans la région du centre du Cameroun, en forêt tropical. Au milieu de sa mission, un événement l’a conduit à prendre davantage de responsabilités. Un imprévu source de nombreux fruits.

Premier groupe d’Emmaüs International au Cameroun, le Centre de Promotion Sanitaire et Social (CPSS) de Mom-Dibang est un association humanitaire et une communauté inter-villageoise qui amène les habitants à prendre leur destin en main en luttant contre toutes les formes de pauvreté. Son action prend aujourd’hui diverses formes : centre de santé, agriculture et élevage, formation des femmes, eau et assainissement, micro-crédit.

Le projet qui m’a été confié vise à assurer la bonne santé d’une population vulnérable et atténuer les effets de la misère en donnant accès aux soins à une population défavorisée.

Ainsi, la mission de départ que l’on m’a proposé avait plusieurs axes. Entre autres, je devais  assister les infirmiers sur place, mettre en place une comptabilité transparente (les soins sont payants au Cameroun et cela pose certains problèmes, surtout dans les milieux ruraux où la pauvreté est grande), tenir les inventaires du matériel et des médicaments, et réaliser des activités de sensibilisation au niveau des MST, du diabète, des différentes pathologies présentes en zone tropicale…

tout a pris une tournure différente

au milieu de ma mission

Je suis donc arrivée le 17 février pour 4 mois dans cette association. Finalement, ma fiche de poste correspondait presque parfaitement à la responsabilités réelles, mais tout a pris une tournure différente au milieu de ma mission lorsque je me suis retrouvé seule à devoir gérer le centre de santé parce que l’infirmier qui était avec moi est parti se faire soigner en ville. Je me suis alors retrouvée à la tête d’un petit centre de santé et même si, au premier abord, cela m’a apeurée, je me suis dit que c’était l’occasion de me prouver que j’étais capable de gérer seule.

Alain, l’infirmier qui était là quand je suis arrivée et qui avait une grande expérience, m’a beaucoup appris et formée. Il m’a donnée quelques cours sur les maladies tropicales récurrentes ici (notamment le paludisme), il m’a formée aux gestes techniques des petites chirurgies et à la gestion générale de la trésorerie et du stockage des médicaments.

Le diagnostic médical

se fait très différemment

Mon métier actuel est donc très différent de celui que je pratiquais en France car les pathologies ne sont pas les mêmes. Il y a notamment de nombreux blessés à la machette ou à cause des champs (ici la plupart des villageois vivent grave aux champs) ou des accidentés à moto (sur les routes de brousse la moto est le moyen de transport le plus pratique et le plus courant) et le mode de travail est totalement différent.

Je pratique avec très peu de matériel. Le diagnostic médical se fait sans prise de sang car il n’y a aucun moyen d’envoyer des analyses sanguines en laboratoire. Tout se fait par conséquent selon l’état général du patient. Cela est assez perturbant, mais j’apprends beaucoup puisque le diagnostic se fait alors très différemment et permet de se poser de multiples questions.

J’ai aussi eu des cas particuliers. Notamment un jeune qui s’est électrocuté avec des câbles électriques. Ou bien un bébé qui avait une arête de poisson coincée dans la gorge.

J’essaie de prendre toujours en compte

tous les aspects du patient et pas

uniquement sa maladie

Cela m’exerce beaucoup à prendre sur moi, à réfléchir à la façon dont je peux gérer la situation avec le matériel que j’ai et les connaissances que j’ai, à prendre des décisions importantes et à me questionner sur des problèmes de société (la gestion de l’argent, la corruption, l’état des routes, les câbles électriques non sécurisés etc).

Je suis déjà aux trois quarts de ma mission et j’ai déjà appris des tas de choses. Je me sens plus sûre de moi, je m’impose davantage, j’ai ouvert mon esprit sur ma manière de travailler, j’ai modifié ma manière de pratiquer mon métier, je me remets en question chaque jour et j’essaie de prendre toujours en compte tous les aspects du patient et pas uniquement sa maladie.

Au final, la vie ici, que ce soit au niveau professionnel ou personnel, m’enrichit énormément, m’apprend à me questionner chaque jour et à revoir mes propres avis. Ce n’est que du positif même si cela bouscule beaucoup.