Partir comme infirmière en volontariat au Togo, à la retraite, c’est possible !

Je suis infirmière retraitée de la fonction publique hospitalière. Depuis de nombreuses années, je souhaitais avec mon mari, mettre mes compétences de soignante au service de populations vulnérables à l’international mais aussi de m’ouvrir à une autre culture, une autre façon de vivre, de penser, faire un pas de côté par rapport à ma vie occidentale.

Saint-Dizier, en Haute Marne, est mon port d’attache. J’y ai mes engagements associatifs bénévoles, et ma famille : cinq enfants, six petits-enfants que je veux voir grandir. Le Volontariat d’Echange et de Compétences, qui permet de partir pour une durée de trois mois était vraiment une excellente opportunité. Aussi quand mon mari a pris sa retraite de médecin réanimateur anesthésiste en hôpital public, nous nous sommes dit que c’était le bon moment.

En septembre 2022 nous sommes partis pour trois mois au Togo, à Sokodé deuxième ville du pays. J’ai travaillé comme infirmière au centre médical du Puits de Jacob. Celui-ci emploie quarante personnes et propose différents services :   consultations, laboratoire, imagerie médicale, maison de naissance et service d’hospitalisation.

L’équipe soignante m’a accueillie chaleureusement et avec beaucoup de bienveillance. J’étais insérée dans le planning, travaillant en moyenne quarante-cinq heures par semaine, affectée aux prélèvements de laboratoire mais le plus souvent au service hospitalisation. Avec mes collègues togolais, nous partagions nos connaissances et travaillions ensemble à l’amélioration de l’organisation et des techniques de soins infirmiers tels que l’asepsie, les dosages pédiatriques. Ils m’ont appris la sobriété  dans l’utilisation du matériel, des médicaments. Ici, seuls les fonctionnaires bénéficient d’une assurance maladie. Les soins sont coûteux et c’est la solidarité familiale qui permet de se soigner.

« J’étais une maman qui rencontrait une autre maman »

J’ai découvert des façons de faire très différentes de ce que j’ai connu en France : lorsqu’un malade est hospitalisé, les membres de la famille sont présents 24h sur 24 pour assurer les soins de base : repas, toilette, hygiène…. Cette proximité avec les malades et leurs familles a permis des rencontres fécondes, qui vont au-delà du partage de savoirs. Je me souviens de cette jeune femme hospitalisée pour un paludisme sévère, qui avait eu la douleur de perdre un premier enfant mort-né trois semaines plus tôt. Elle était prostrée, mutique, y compris avec sa famille. J’ai profité de la présence de sa maman pour lui dire que sa tristesse était légitime, qu’elle gagnerait à en parler, à s’ouvrir… Sa maman a saisi l’occasion pour confier combien elle se sentait démunie

face à sa fille très réservée. J’ai eu l’impression que je n’étais plus l’infirmière, mais une maman qui rencontrait une autre maman. A partir de ce moment, sa fille s’est ouverte et, peu à peu, a repris vie. Cette expérience m’a fait percevoir combien au cœur de l’intime, on rejoint l’universel. Quelle joie aussi partagée avec les familles quand un enfant très abattu par une anémie sévère ou un paludisme pernicieux repart guéri et tout guilleret !

« Cette expérience m’a fait percevoir combien au cœur de l’intime, on rejoint l’universel »

Le centre médical a un projet de soin des hépatites virales B et C, véritable fléau notamment dans cette région centrale du Togo. Avec mes collègues, nous avons travaillé pour bâtir des séances d’éducation thérapeutique et élaborer des outils adaptés à la culture locale et aux pratiques locales. Quand, en France, j’étais infirmière en Consultation de dépistage anonyme et gratuit pour le sida et les hépatites, j’expliquais le risque de transmission par la toxicomanie injectable : rien de cela au Togo ! Par contre, ici j’ai découvert les risques de contaminations avec les scarifications, qu’elles soient rituelles ou thérapeutiques. C’est un exemple parmi tant d’autres.

Le travail en équipe permet des échanges, le partage de savoirs. Quand je remercie mes collègues, ils me répondent invariablement « on est ensemble » ; c’est un leitmotiv pour l’ensemble du personnel au service des malades. J’ai aussi beaucoup appris sur la façon de vivre dans la sobriété, vivre l’instant présent dans la joie malgré la précarité, malgré certaines violences. Un jour, j’ai accueilli un jeune homme en arrêt cardiaque, suite très vraisemblablement à un empoisonnement. La sorcellerie est très présente dans la culture. En tant qu’occidentale ça me bouscule ; mais c’est aussi source d’échanges avec mes collègues togolais pour tenter de percevoir le sens de ces phénomènes. La vie spirituelle anime la vie toute entière des togolais : Merci en kotokoli se dit Essobodi, littéralement Que Dieu vous bénisse.

Mon expérience de Volontariat a été facilitée par l’accueil dans ce centre de soins qui reçoit régulièrement des volontaires. J’ai aussi été très aidée par la Délégation catholique pour la coopération (DCC), mon organisme d’envoi. Il propose des stages de formation très approfondis et très utiles, avec des échanges avec d’anciens volontaires sur des sujets très divers : le travail, les objectifs de développement durable, l’interculturalité…  Pour ceux qui se posent la question de partir, cela peut vraiment aider à prendre une décision. Les formations préparent également à ce que l’on va vivre en mission, même si les surprises restent nombreuses tant la façon de vivre est différente.

Pour parler de cette expérience, j’aime la métaphore du colibri : faire sa part modestement, humblement, comme le colibri qui retourne à la tâche. Avec mon mari, nous repartirons à Sokodé en septembre prochain pour à nouveau trois mois.

Chantal Marinthe

 

Ce témoignage a été donné lors du colloque organisé par France Volontaires le 24 mars à l’Assemblée nationale sur le thème « Le volontariat international, levier transversal de la politique de développement solidaire de la France ». Avec la participation notamment de Amélia Lakrafi, députée des Français de l’étranger, Chrysoula Zacharopoulou secrétaire d’Etat au développement, Anne-Charlotte Dommartin déléguée aux relations avec la société civile et aux partenariats · Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, Yann Delaunay Directeur de France Volontaires.

 

Inscrivez vous au Jeudi de l’Info, une réunion le troisième jeudi du mois pour découvrir le volontariat avec la DCC. Au programme échange avec un ancien volontaires de la DCC et un salarié. 

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