Par-delà la mission, oser la rencontre

Le volontariat ne se résume pas au poste de mission. Sophie, volontaire à Madagascar pendant un an, n’était pas pleinement comblée par les responsabilités qui lui étaient confiées. Qu’à cela ne tienne, pleine d’audace, elle a su profiter du temps libre que sa mission lui laissait, pour rencontrer en profondeur les Malgaches au travers de nombreux engagements.

J’étais volontaire à l’Université Catholique de Madagascar (UCM) à Antananarivo un an en 2021-2022. L’UCM est un établissement d’enseignement qui forme la future élite du pays avec comme devise « fides et lux » (foi et lumière). Sur place, j’étais chargée de projet et d’enseignement. Le sens de ma mission à l’UCM n’a pas toujours été évident à trouver, ce qui m’a questionnée de façon plus générale sur le sens de mon volontariat. Partir à des milliers de kilomètres de chez soi, de sa famille, de ses amis, mais pourquoi ?

Après quelques jours à l’UCM, j’ai entendu parler de l’équipe de foot du personnel féminin de l’UCM, les Corragiosos. Les entrainements étaient le jeudi après-midi, sur le temps de travail. Nous étions une vingtaine de joueuses tous types de métiers confondus, encadrées par un coach « bénévole » lui-aussi agent de l’UCM. Ce sport collectif a facilité mon intégration sur mon lieu de mission. Certes ce n’était pas du travail à proprement parlé mais c’était du temps partagé avec mes collègues, de l’émulation, des encouragements dans l’effort et aussi beaucoup de sourires et de rires avec des ballons plus ou moins maîtrisés.

En dehors de l’UCM, étant musicienne amateure, je me suis très vite renseignée pour trouver un orchestre à Tanà. Grâce à l’Institut Français de Madagascar, j’ai obtenu le contact de Madagascar Orchestra, un orchestre à cordes. J’ai été très bien accueillie par le chef d’orchestre et par tous les musiciens, tous d’une moyenne d’âge très jeune. J’ai joué mon premier concert avec Madagascar Orchestra dans des conditions inédites avec une coupure de courant qui a duré tout le concert. J’étais impressionnée par la capacité des musiciens et du public à s’adapter à l’imprévu. Je ne suis pas sûre qu’en France le concert aurait été maintenu dans les mêmes conditions.

Les répétitions avaient lieu deux soirs par semaine voire plus à l’approche des concerts. C’était toute une logistique avec des lieux de répétition qui ont changé au cours de l’année, du matériel à transporter et le retour des musiciens à organiser après chaque répétition, en taxi ou en covoiturage. Nous avons parfois eu de grandes discussions le temps de parcourir les différents quartiers de la ville. Je me rappelle par exemple d’une discussion autour de la mort et de ses rituels.

Un projet a été particulièrement motivant pour tous les musiciens : le Nosy Be Symphonie, un festival de musique classique à Nosy Be, une île au Nord-Ouest de Madagascar. Nous sommes partis en taxi-brousse après avoir chargé nos sacs, instruments et nourriture pour la durée du séjour. Il aura fallu plus de 30 heures de route pour parcourir les 900 km entre Tanà et le port d’Ankify, d’où part le bateau pour Nosy Be. Sacré voyage ! Ce séjour aura pour moi été l’occasion de vivre au rythme de l’orchestre. Les horaires des répétitions et des temps libres étaient très indicatifs. J’ai goûté quelques spécialités que je n’avais pas encore testées comme le manioc au petit déjeuner ou des plats à base de pois séchés. J’ai aussi appris à jouer aux dominos façon malagasy, comme les gens que je voyais jouer dans les rues de Tanà.

L’UCM et Madagascar Orchestra m’ont permis d’être immergée dans un Madagascar jeune et dynamique, qui a la chance de pouvoir étudier. Après quelques mois à voir au quotidien la misère dans laquelle vit une partie de la population malagasy, j’ai eu envie de donner un peu de mon temps pour une mission plus sociale.

Grâce à la rencontre avec les Petites Sœurs de l’Evangile de Charles de Foucault à Antsirabe puis à Tanà, j’ai enseigné une matinée par semaine le français oral dans 3 classes de 8ème (CM1) à l’école Saint Paul d’Ambodirano-Ampefiloha, un bas quartier comme on dit à Tanà (un quartier défavorisé inondé en saison des pluies). Les enfants de cette école ont pour horizon la rue principale du quartier. La plupart de ces enfants n’ira pas au-delà des études primaires. Et moi dans tout ça ? Je ne suis pas enseignante de formation donc j’ai simplement essayé de transmettre le goût de la langue française tout en faisant participer les enfants sur des thèmes en lien avec leur pays et leur culture. Si j’ai sans aucun doute appris des enfants, difficile pour moi de mesurer l’impact de cette activité en terme de réussite scolaire pour eux. Le seul impact mesurable, c’est le bonheur réciproque de la rencontre. J’ai ressenti une joie profonde lorsque j’ai entendu des « Madame Sophie » d’enfants tout sourire en passant dans ce quartier au début des vacances scolaires.

Et si c’était aussi cela le volontariat ? Revenir à l’essentiel qui est d’être là en osant la rencontre.