Mohamed : en quête de paix et d’espoir

A l’occasion de la Clovis vient de rentrer de volontariat. Pendant 2 ans, il a été  coordinateur de projets à l’est du Tchad pour Jesuit Refugee Service. Il travaille au service de réfugiés soudanais, dont certains vivent dans les camps depuis plus de 10 ans. Il nous livre le portrait de l’un de ces hommes, Mohamed, réfugié soudanais.

Le Tchad, un des pays les plus pauvres du monde, est peuplé d’environ 13 millions d’habitants ; il accueille cependant plus de réfugiés que la France (plus de 450 000 selon le dernier rapport de l’UNHCR, contre 250 000 pour la France). Avec beaucoup de temps et de patience, certains réfugiés ont accepté de me raconter leur histoire. Migrants, déplacés, réfugiés, demandeurs d’asile… ces statuts prêtent parfois à confusion.

L’histoire de Mohamed, tragique, est néanmoins similaire à celle de beaucoup d’autres réfugiés, qui fuient les combats, vivent dans des camps de déplacés (IDP en anglais) et finissent par se réfugier dans un autre pays, en quête de paix et d’espoir.

Je voudrais vous faire partager ce que m’a raconté Mohamed, Soudanais de 25 ans. Il vivait avec sa famille dans un village du Darfour quand les milices armées, connues sous le nom de Janjawids, ont attaqué son village. Ils ont tué des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants ; heureusement sa sœur n’était pas là, et Mohamed a réussi à se cacher avec son père et l’un de ses frères. Ils ont ensuite fui vers la ville de Kabkabiya, mais lors de cette fuite son père et son frère ont été tués. Il a fini par arriver à Kabkabiya et a vécu dans un camp de « déplacés » avec des Soudanais ayant fui les zones de conflit sans quitter le pays. Après deux ans de survie, il a appris que sa sœur avait réussi à fuir jusqu’au Tchad et a alors décidé de la rejoindre.

Aujourd’hui Mohamed est bénévole à l’hôpital du camp : il a pu accéder à une formation d’infirmier et est devenu l’un des réfugiés les plus compétents dans le domaine médical. Il est souvent confronté à la difficulté de la vie au camp et semble vouloir se détacher des traditions locales. Par exemple, il est souvent envoyé au domicile de patientes ayant subi des excisions ou qui ont été mariées de force et qui sortent du système scolaire pour s’occuper de leur famille. Les dommages sont d’ordre physique, avec parfois des maladies fatales, et souvent psychologiques comme des dépressions profondes.

Mohamed est l’un des rares à exprimer son refus de ce genre de pratiques. Il continue à étudier et parle à présent très bien français et anglais et a l’espoir de pouvoir partir étudier dans un pays en paix et faire des études dans le domaine social, afin notamment de lutter contre les pratiques traditionnelles. Il ne souhaite pas prendre le risque de traverser le Sahara pour survivre sur la côte libyenne en attendant de pouvoir trouver un passeur qui accepterait de lui faire traverser la mer de façon trop risquée et beaucoup trop chère.

Voilà le genre de choix auxquels sont confrontés les réfugiés d’ici : une fuite vers l’inconnu dans un mélange d’espoir et de désespoir, ou survivre au milieu de nulle part dans un endroit inhospitalier avec l’aide de l’UNHCR… C’est malheureusement le type de dilemme qui va se poser de plus en plus avec la diminution des fonds de l’ONU au Tchad, au profit des réfugiés de Syrie. Le nombre de réfugiés dans le monde ne cesse d’augmenter.

Ce qui entraîne malheureusement des conséquences dramatiques, aux portes de l’Europe. On travaille désormais à l’intégration des réfugiés au sein de la population locale mais les tensions demeurent et ce travail va prendre beaucoup, beaucoup de temps.