Chez les melkites, jeûner pour célébrer

Inès a été volontaire au Liban de septembre 2021 à août 2022 avec la communauté melkite. Touchée par l’espérance et la confiance de cette communauté, elle a demandé et reçu le baptême auprès d’eux. Parce qu’elle vit concrètement le lien entre chrétiens d’Orient et d’Occident – et bien sûr parce que l’on est curieux de nos mondes à partager – nous lui avons demandé de nous dépeindre le temps liturgique du Carême qui s’ouvre ce lundi 20 février pour les melkites.

Melkites ou grecs-catholiques ?

Il faut savoir que l’entrée en Carême chez les melkites diffère quelque peu des catholiques latins [NDLR : La majorité des catholiques sont de rite latin, mais l’Église catholique comprend aussi des Eglises orientales qui suivent des rites orientaux : copte, maronite, arménien…]. Pour la petite info, les melkites, aussi appelés les grecs-catholiques car anciennement orthodoxes, se sont unis à Rome au XVIIIe siècle. Église orientale, elle compte entre 1,3 et 2 millions de fidèles, principalement au Liban, en Syrie ou encore en Terre Sainte, sans compter la diaspora. S’ils sont entrés en communion avec le Saint Siège, le rite reste néanmoins byzantin, et donc orthodoxe.

Avant le Grand Carême, le Petit Carême

Tout d’abord, un temps de préparation précède le Grand Carême : deux semaines avant, les melkites cessent de manger de la viande ; puis une semaine avant, c’est au tour des produits laitiers de disparaitre du régime alimentaire. Deux jours de jeûne (mercredi et vendredi, pendant 12h) sont aussi réalisés durant cette même semaine.

Célébration du dimanche des Rameaux

Le Grand Carême : un temps de jeûne

Pendant le Grand Carême, Le jeûne s’effectue de minuit à midi (et du lundi au vendredi), 12h pendant lesquelles il n’est permis ni de manger, ni de boire. La viande et les produits laitiers restent proscrits le reste de la journée (ainsi que le week-end).

Symboliquement, il s’agit de se remémorer cette période de paix du jardin d’Eden, où Adam et Ève ne mangeaient (ni ne tuaient) de viande animale. Le fait de se nourrir exclusivement de végétaux permet un retour aux sources.

Lorsque les familles peuvent se retrouver à midi, tous les membres prient ensemble avant de rompre le jeûne : on récite souvent le Notre Père, mais cela varie en fonction de chacun et chacune. Au-delà des restrictions alimentaires, ces 40 jours s’accompagnent de temps de prières, notamment les Grandes Complies les lundis, la liturgie des Présanctifiés les jeudis et l’Hymne Acathiste à la mère de Dieu tous les vendredis.

Le lundi du moine

C’est le lundi du moine que commence le Grand Carême chez les melkites. Cette appellation vient du fait que les moines quittaient leurs communautés pour aller vivre en ermite. Chez les melkites, il n’y a pas d’imposition des cendres.

Le nombre de jours, 40, se compte différemment des Latins : En effet, 5 jours par semaine pendant 7 semaines correspondent à 35 jours, auxquels on ajoute le Samedi Saint (veille de Pâques), les deux jours de jeûne de la semaine précédant le Grand Carême, ce qui revient à 38 jours. Les deux derniers jours correspondent au jeûne réalisé la veille de la naissance du Christ (le 24 décembre) et le 5 janvier (veille de son baptême selon le rite melkite).

Célébration du dimanche des Rameaux

De nombreuses fêtes pendant le Grand Carême

Le premier dimanche de Carême correspond au dimanche de l’Orthodoxie, on célèbre la fin de l’iconoclasme : pour cela, on est invité à ramener des icônes pour participer à la procession. Le deuxième dimanche, appelé Dimanche de Saint Grégoire Palamas et des Saintes Reliques, il précède le Dimanche de la Sainte Croix. Le quatrième dimanche est celui de Saint Jean de Climaque, suivi du Dimanche de Marie l’Égyptienne. Enfin le Dimanche des Rameaux vient ouvrir la Semaine Sainte.

Temps de repentance ou temps de joie ?

Le Carême se perçoit comme une façon de célébrer la joie plus qu’un moment de repentance, un temps privilégié pour se recentrer dans l’amour de Dieu et montrer notre amour à Jésus : un chemin pour nous préparer à Pâques.

Le repas du soir est aussi un moment de joie, où l’on se retrouve en famille. On mange généralement de la soupe, du houmous, des fouls (fèves séchées), des lentilles noires (larmes du Christ). L’huile d’olive remplace le beurre, et le blé prend une place privilégiée puisqu’il est symbole de vie.

Pour ma part, je n’avais pas suivi le Carême lorsque j’étais au Liban, mais je me souviens d’une période très particulière, avec beaucoup de temps de prières. J’ai beaucoup été touchée par la ferveur de ceux et celles qui m’entouraient, j’ai tout de suite senti qu’on entrait un temps particulier. Bien qu’il existe de nombreuses communautés chrétiennes au Liban et que toutes et tous se retrouvent dans leur paroisse respective, j’ai perçu un mouvement commun, reliant finalement tous les chrétiens.

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