« Se laisser porter », l’expérience de Martin aux îles salomon

« Après des études de mécanique et une licence de commerce je suis parti en volontariat de solidarité internationale. Je ne me voyais pas aborder le monde du travail de suite et ce choix me paraissait naturel. 

Je me suis donc engagé auprès de la DCC, en lui donnant mon CV et sans aucune autre demande afin qu’elle choisisse pour moi, en fonction des besoins des partenaires locaux, afin que je sois le plus utile possible dans ma mission.

C’est comme cela que je me suis retrouvé aux îles Salomon en tant que professeur de math, mécanique et charpenterie sur l’île de Guadalcanal. J’avais en prime un jardin en permaculture pour nourrir la communauté ou je vivais.

Mes semaines s’organisaient donc autour des cours du lundi au jeudi et au jardin le vendredi et le weekend. 

 

Les îles Salomon ne sont pas très connues du grand public. Qu’est-ce qui t’as marqué dans l’échange interculturel ?

L’écart de vie et dans la manière de penser est tellement grand que je me suis vraiment rendu compte du choc culturel que très tard, les volontaires étant chacun dans une mission différente, nous étions souvent les seuls « Blancs » de la zone. La vie était donc très immersive, mon plus gros choc a été le fait de ne jamais me sentir seul en raison de la vie très communautaire. 

Paradoxalement, je me sentais parfois seul car toujours sollicité et souvent emporté dans une vie que je ne connaissais pas, et me suis souvent senti seul mentalement car les gens ne comprenaient pas ma manière de penser et de voir le monde.

On en tire quand même après un an, une vision du monde modifiée par la mission, moitié européenne et moitié salomonaise, même si je suis bien loin de comprendre ce monde multi-ethnique.

Un second point qui m’a marqué est l’accueil dans chaque endroit où j’ai pu me rendre. Le fait d’être volontaire et de connaître la langue locale, les gens avait un regard différent.

 

Quel est ton plus beau souvenir de mission ?

Les plus beaux souvenirs sont bien sûr les moments où je n’ai pas pris de photos. Je pense notamment aux vacances avec les autres volontaires dans d’autres missions. Les voyages dans des îles où les habitants y vivaient pauvrement loin de tout. Bref, des moments de décalages complets ou des moments où je retrouvais un peu ma bulle de confort européen et où je pouvais discuter.

L’un de mes plus beaux moments est un séjour dans un petit village au milieu de nulle part que l’on a atteint en pirogue en remontant une rivière. J’y ai passé la journée à jouer avec une petite fille.

 

A quelles épreuves as-tu été confronté ? Comment y as–tu fais face ? 

La solitude mentale est je pense l’une des choses qui m’a le plus impactée dans ma mission, car il est compliqué de lier de solides amitiés quand on ne comprend pas l’autre et que l’autre ne comprend pas notre manière de penser et réfléchir. 

En fin de mission j’ai aussi dû faire face à des crises de paludisme ce qui oblige à beaucoup de repos. 

Le dernier grand défi que j’ai vécu est un moment de tension dans la communauté où j’ai vécu, le supérieur étant partie du jour au lendemain, une personne a voulu prendre sa place afin que l’ensemble reste cohérent mais sous fond d’incompréhension  et de rancœur… l’ensemble est devenu très tendu pendant un mois. Il est alors très dur en tant qu’étranger de ne pas prendre partie et de comprendre les raisons du mal être dans une société où on ne parle jamais de ce qui va mal.

Une rencontre marquante ?

Brother Paul ! C’est un Frère en noviciat avec qui j’ai beaucoup partagé sur la différence de culture et de style de vie. Je crois qu’il me comprenait via son séminaire et on a passé beaucoup de temps ensemble. C’est une personne qui m’a beaucoup appris tout en ne cherchant pas à m’influencer. Je pense qu’aujourd’hui c’est une amitié profonde qui nous lie. 

 

Après ce volontariat d’un an, quels sont tes projets au retour ?

Le premier projet était de trouver un travail afin de remettre un pied sur terre, puisque je me suis retrouvé confiné deux semaines après être rentré.

Je suis maintenant en service commercial et j’ai plusieurs projets pour le long terme : monter une ferme en permaculture, fabriquer ma maison en bois paille…et  si possible m’impliquer en politique dans un petit village.

Pour le reste, les Salomons m’ont appris qu’il fallait se laisser porter… »