ENTRETIEN 2/2 – Guilhem est assistant de langue française dans les établissements de Jérusalem et Bethléem tenus par les Frères des écoles chrétiennes. Le soutien qu’il apporte aux professeurs de français lui permet de tisser de belles relations.
À ce poste de volontaire, tu as la lourde tâche de ne succéder à personne. Pourquoi ces écoles ont-elles décidé de s’appuyer sur les compétences d’un volontaire ?
En Palestine, les établissements des Frères des écoles chrétiennes sont réputés pour l’enseignement du français, langue qui a longtemps été la marque d’une élite. Nonobstant ce passé glorieux, la réalité présente est plus délicate. L’école des Frères de Jérusalem Porte Neuve n’a qu’une seule enseignante de français pour neuf niveaux différents disposant chacun d’une classe de plus de trente élèves. Dans le cadre de la francophonie, l’école souhaite obtenir le Label CELF, afin de faire reconnaître l’école pour son enseignement du français. Un fond d’entraide à la francophonie finance la venue d’un volontaire. L’objectif de ma présence ici est donc d’apporter un soutien aux professeurs de français des deux écoles, que ce soit en les aidant à préparer leurs cours, en prenant avec moi les moins bons élèves ou simplement en leur permettant de parler avec un francophone.
Élément nouveau et original au sein de l’équipe pédagogique, ton intégration s’est-elle faite facilement ?
J’ai rapidement perçu l’exigence de réussite qui repose sur les épaules des professeurs de français du fait du contexte évoqué. Je craignais d’être associé trop étroitement avec les autorités françaises et donc de susciter la méfiance de mes collègues. Les premières semaines, j’ai donc eu à cœur de leur montrer que je suis simplement là pour les aider, que mon objectif n’est pas de répondre à l’exigence d’un certain niveau, mais bien de leur permettre de faire leur travail dans de meilleures conditions.
Aujourd’hui j’ai la satisfaction d’avoir une relation quasi-filiale avec Abir, l’enseignante de français de Jérusalem Porte Neuve. J’ai l’âge de ses enfants et au bout d’à peine trois semaines, lorsque des collègues la cherchaient, ils m’interrogeaient : « Où est ta mère ? » De fait, je suis quotidienne en lien avec elle et je l’admire beaucoup. Alors qu’elle a une formation pour enseigner au lycée, elle gère neuf niveaux différents, de la maternelle à la 4ème. Il faut imaginer les écarts que cela peut représenter dans une journée. Et si les cours commencent à 7h30, elle se lève à 5h30, car elle habite dans les territoires palestiniens. Elle peut franchir le checkpoint grâce à son permis de travail, ce qui n’empêche malheureusement pas qu’elle se voit parfois refuser l’entrée à Jérusalem et qu’elle soit obligée de se présenter à un autre checkpoint.

En somme, tu es davantage là pour aider les enseignants que les élèves ?
Ce n’est pas faux. Ma présence aux côtés d’Abir lui permet de mieux s’épanouir dans son travail. D’abord, le fait que je sois volontaire lui permet aussi d’avoir une relation différente avec moi, loin des luttes intestines et autres difficultés de l’école. Ensuite, elle peut désormais voir au-delà de la nécessité d’atteindre la fin du programme scolaire. Le temps libéré nous permet de ne pas nous y cantonner et d’organiser des événements autour de la francophonie. Nous mettons ainsi en avant le cinéma francophone, nous montons des pièces de théâtres avec les enfants, nous leur apprenons des chansons françaises… Cela se fait aussi grâce à Sœur Silouane, la coordinatrice du français pour les écoles de Jérusalem et Bethléem. Elle fixe les objectifs à atteindre et participe activement à leur mise en place tout en nous laissant l’indépendance nécessaire pour y parvenir. Sa présence est importante, car elle me guide beaucoup. Les bonnes relations que nous entretenons tous les trois nous permettent d’évoluer de plus en plus efficacement au bénéfice de tous.
PREMIÈRE PARTIE DE L’ENTRETIEN – « J’essaie d’enseigner avec mes propres forces pour être avant tout cohérent et crédible »
