La diplomatie française dans un Liban en crise : Le volontariat peut-il apporter sa pierre à l’édifice ?

Le 17 novembre 2022, à l’occasion de la journée du volontariat français, l’Ambassadrice de France a Beyrouth, Mme Anne Grillo, a décrit l’action des volontaires français comme étant « complémentaire » de l’action diplomatique de la France au pays des cèdres. Cette déclaration a interpellé Geoffroy, volontaire envoyé au Liban par la DCC, et l’a poussé à une plus grande réflexion sur son rôle au sein d’un projet financé par des acteurs centraux de l’expertise française dans le domaine du développement international. Nous publions ici sa réflexion.

Voici plus d’un an que je suis arrivé au Liban en tant que chargé de communication auprès de l’Association libanaise pour la promotion humaine et l’alphabétisation (ALPHA). Cette ONG libanaise m’a propulsé sur Agri-jeunesse, son projet phare porté par des jeunes Libanais qui ont choisi de s’investir dans une entreprise environnementale ambitieuse au service de la sortie de crise dans un Liban en grande difficulté.

Du Mont-Liban à la vallée de la Bekaa, en passant par les quartiers beyrouthins de Bourj Hammoud et Ain El Rummâneh, voici une année que j’accompagne régulièrement quinze garçons et filles qui vivent une aventure riche et porteuse de sens : la création d’un centre en montagne où les populations défavorisées des quartiers Est de la capitale pourront se ressourcer, mais également d’un laboratoire à ciel ouvert de formation et d’expérimentation des méthodes de l’agro-écologie ainsi qu’un observatoire de l’éco-citoyenneté et de la biodiversité.

ces sessions renforcent les compétences

professionnelles de la jeunesse libanaise et favorisent

l’émergence d’une conscience écologique

Former une génération apte à relever les défis environnementaux de demain

Pierre angulaire d’Agri-jeunesse, le jardin agricole fait l’objet depuis huit mois d’un travail constant des jeunes qui se rendent chaque semaine à Wadi El Karm, un petit village du Haut-Metn, pour entretenir et développer les terrasses. Celles-ci ont été aménagées en coopération avec des ouvriers de Buzuruna Juzuruna, la ferme-école biologique partenaire du projet, et ont déjà donné plusieurs récoltes qui font la fierté des apprentis agriculteurs.

La mise œuvre de ce projet s’accompagne d’un cycle d’apprentissage intense à travers lequel le groupe se forme sur toutes les questions liées à l’agro-écologie, la protection de l’environnement, mais aussi la gestion d’un centre, se préparant ainsi à diriger une entreprise. En plus de retisser du lien social distendu par les crises économique et sanitaire de ces deux dernières années, ces sessions renforcent les compétences professionnelles de la jeunesse libanaise et favorisent l’émergence d’une conscience écologique qui fait souvent défaut au Liban comme ailleurs dans la région. Mobilisant les acteurs nationaux les plus compétents dans leur domaine d’action, elles leur permettent aussi de bénéficier d’une solide expertise dans le domaine de la permaculture et de la gestion d’une entreprise sociale.

mon travail au sein d’une ONG humanitaire locale

s’inscrit ainsi dans la continuité du soutien

mis en place par la France auprès des Libanais

Prendre « le pouls » de la situation locale

De mon côté, mes missions de volontariat me donnent l’opportunité de suivre tous les cours offerts au groupe de jeunes et dispensés par les différents partenaires d’Agri-jeunesse. En formation comme lors des séances de jardinage à Wadi El Karm, j’observe l’évolution des stagiaires et référents à mesure qu’ils franchissent les différentes étapes de ce parcours de trois années à l’issue duquel ils deviendront de véritables entrepreneurs sociaux. Les enjeux et problématiques auxquels ils sont confrontés s’élargissent au fil du temps, renforçant leur intérêt et leur souci de se projeter au-delà de ces trois ans afin de mettre en place une stratégie qui assurera la durabilité du centre.

Je découvre progressivement que mon travail au sein d’une ONG humanitaire locale s’inscrit ainsi dans la continuité du soutien mis en place par la France auprès des Libanais dans cette période de crise. Agissant au cœur de la société libanaise et particulièrement auprès des populations les plus défavorisées, mon travail de terrain m’aide à comprendre les causes et les conséquences de la situation et la place qu’occupe aujourd’hui les jeunes dans les initiatives qui se mettent en place pour leur assurer un meilleur avenir. Cette position me place comme un « éclaireur » à même de faire remonter des impressions utiles à la diplomatie gouvernementale sur la société libanaise et sur la complexité de la crise multiforme que celle-ci continue de traverser.

Encourager et mobiliser les jeunes sur les grands enjeux internationaux

Ma présence en tant qu’étranger sur Agri-jeunesse est aussi un encouragement et une motivation pour ces jeunes qui y voient une preuve que le Liban et les Libanais ne sont pas seuls dans cette épreuve. D’ailleurs, si l’entreprise suscite autant d’enthousiasme au sein du groupe, c’est aussi qu’elle est source d’estime de soi et de fierté pour ces garçons et filles qui apprécient d’être impliqués dans un projet soutenu par des organismes de renommé internationale et porteur d’enjeux mondiaux souvent considérés comme « le luxe des pays riches ».

Au total, Agri-jeunesse redonne à ces Libanais la confiance dont ils ont tant besoin aujourd’hui. En leur confiant de réelles responsabilités sur un projet de grande envergure, en les impliquant dans des activités socio-économiques et environnementales concrètes en coopération avec des volontaires et institutions internationaux, le projet crée de l’autonomie et renforce le désir qu’ont ces jeunes de faire la différence dans le contexte actuel. À travers leur engouement et leur détermination, ces stagiaires et référents démontrent quant à eux qu’ils sont capables, avec le soutien des bailleurs, de mener à bien une entreprise qui contribuera à sortir le pays de la crise qu’il traverse depuis trois ans.

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