Juliette est volontaire DCC et animatrice prévention sanitaire au Mexique. Elle nous raconte ses échanges avec Irène, son expérience et l’importance accordée à l’alimentation au Mexique.
Comme chaque soir, depuis deux mois déjà, je dine avec Irène. Ce temps est souvent propice aux échanges et aux confidences. On parle de la famille, de la société mexicaine, du voisinage, de la vie de village, mais aussi de santé et de nutrition. Irène se pose beaucoup de questions.
Au Mexique on aime à croire que l’alimentation détermine la santé et qu’inversement, la maladie provient de tous ces aliments trop gras ou trop sucrés. Irene a 73 ans, elle s’occupe de sa grande maison, du ménage au jardinage, de 6h du matin à 20h du soir, en plus d’aider à toutes les activités de la paroisse. Elle entretient sa forme physique et porte une attention décuplée au contenu de son assiette. Elle s’inquiète de voir ses proches en surpoids. Elle s’inquiète de voir ses enfants acheter tous ces produits transformés venus des Etats-Unis. Et elle s’inquiète de cette analyse sanguine que le gastro-entérologue lui a remise. Elle doit débuter un traitement antibiotique pour un parasite digestif. Elle m’interroge sur son origine, ses risques et l’éventuel succès de son élimination. Je m’octroie quelques instants sur internet pour rafraichir mes cours de médecine. Il faut dire qu’en France il est rare de trouver ce type de parasite. Et pour cause, les usines de filtration françaises veillent précisément à l’éradiquer de l’eau qui s’écoulent par nos robinets. Ici, l’eau a un tout autre traitement. Ou plutôt, n’a pas de traitement. L’eau stagne dans de grands réservoirs au-dessus des maisons. L’eau ne peut ni, être bue, ni servir à laver les aliments. L’eau est un joli bouillon de culture pour ces curieux parasites. L’eau est objet de méfiance.
Ce soir, comme tous les soirs, Irene est prudente et me sert une eau bouillie aromatisée d’une infusion de camomille. D’ailleurs, elle a tout juste fini sa tasse qu’elle est de nouveau debout à remuer la casserole de « frijoles » (haricots rouges). Elle met un point d’honneur à me faire goûter toutes les spécialités locales, toujours préparées avec les meilleurs produits. Ici, comme en France, la gastronomie est un sujet de conversation omniprésent. On aime parler de saveurs piquantes et relevées, on passe du temps en cuisine, on partage les mets avec les voisins, on s’organise pour faire les courses lors du marché et on clame la richesse des couleurs du Mexique dans l’assiette.