Jérusalem : des aquarelles pour contempler

Rentrée de Jérusalem en mai dernier après deux ans de volontariat, Cécile nous partage avec délicatesse ce qu’elle a vécu à travers six aquarelles. Six instants qu’elle a suspendu comme un rappel que ce que l’on prend le temps de vivre dans le volontariat, demeure à jamais.

Janvier 2022. Cela fait un peu plus de 6 mois que j’ai commencé ma mission DCC à Jérusalem. Journaliste pour Terre Sainte Magazine, la revue de la Custodie franciscaine de Terre Sainte. Je suis tout le temps dehors. Sur le terrain. Je rencontre plein de gens. C’est passionnant. Stimulant. Mais le mois de janvier est rude. Il fait froid, je suis en plein dans la phase basse de la fameuse courbe du volontaire, et surtout j’ai le Covid. Confinée dans ma chambre pendant une semaine. C’est frustrant. Très frustrant.

Alors je prends mes pinceaux, mon aquarelle, et je m’échappe de ma chambre en me plongeant dans la copie de photos que j’ai prises ces 6 derniers mois. Je choisis des scènes, des endroits qui m’ont touché. Quelque chose de facile. Ça fait longtemps que je n’ai pas dessiné. J’ai commencé avec 4 aquarelles au format Polaroïd. Après 2 ans de mission, je suis repartie avec 27 petites images. Une collection de souvenirs désormais « encrés » sur du papier cartonné. Besoin de fixer les choses. D’y associer des mots aussi, pour mieux relire ces 24 mois, les plus intenses de ma vie.

Dôme du Rocher

Sortir de sa zone de confort. « Ose plus ». C’est une injonction que je me répétais beaucoup en France. Il y a tant de choses où je me limitais, par peur. C’est l’un des aspects de ma personnalité qui a le plus évolué durant ces deux années de volontariat à Jérusalem. J’ai essayé de me « mettre en sortie » comme disent nos chères chargées de mission à la DCC. De croquer chaque rencontres, expériences, découvertes à pleines dents et d’en créer d’autres pour être toujours confrontée à la nouveauté. J’ai testé des choses – le fameux « qui ne tente rien n’a rien », et finalement appris à mieux me connaître.

Récolte des olives

Partager. Le volontariat c’est un partage quotidien. On met nos compétences au service d’une communauté, d’une structure. Et en échange, nos partenaires nous partagent leur combat, leur vision, leur doutent, leur rêves… En Terre sainte, le mois d’octobre rime avec récolte des olives. Avec quelques volontaires, nous sommes allés donner un coup de main à un fermier chrétien palestinien, Daoud Nassar. Récolter des olives, c’est fastidieux (on les détache des branches une à une), et poussiéreux. En échange il nous a offert le repas, mais nous a surtout partagé son histoire et sa philosophie, celle de l’« espérance active », et de la résistance non-violente à l’occupation israélienne, qui menace quotidiennement l’existence de sa ferme. Semez et vous récolterez.

Vue sur Jérusalem

S’émerveiller. Le volontariat, c’est avoir l’opportunité de vivre immergé dans des cultures et des peuples tellement différents de ce que nous connaissons. C’est au soleil couchant que le mont des Oliviers offre sa vue la plus spectaculaire sur Jérusalem. Voir la ville trois fois sainte s’étaler en contre-bas, si petite, si dense… On ne peut que contempler. S’interroger. Philosopher. S’émerveiller. Et remercier aussi, pour la possibilité de vivre ce genre d’expériences, si structurantes dans une vie.

Nabi Mussa

Appuyer sur pause. Nabi Mussa -Le volontariat, c’est un juste équilibre entre le don et la connaissance de soi. Au début, on est dans la fièvre de la découverte, de l’immersion. Tout brille. On est au max de notre énergie. Et puis c’est le creux de la vague. C’est la fameuse courbe du volontaire et un des moyens de gérer cette phase de redescente, c’est de savoir s’accorder des moments pour soi. Appuyer sur pause. En Terre Sainte, le désert -son silence et son immensité – ont été propices à cette déconnexion.

Aboud

Approfondir. J’ai eu la chance de pouvoir prolonger de 12 mois mon volontariat à Jérusalem. Dans une ville si complexe, ce n’est pas du luxe. Quand deux peuples et trois religions se partagent une même terre, il faut du temps pour trouver ses repères, comprendre les nuances, appréhender les sensibilités. La 1ère année, on pose les bases. La seconde, on peut approfondir. On connait plus de gens, on est plus à l’aise pour naviguer socialement, mais aussi dans le pays, divisé en deux et quadrillé par l’armée. Il y a des endroits, comme Aboud, en Territoires palestiniens que je n’aurais jamais visités si je n’étais pas restée deux ans et que des amis ne m’avaient pas emmenée dans ce village plein d’histoire mais hors des sentiers battus.

Via Dolorosa

Cheminer. Dans un volontariat, on apprend autant sur les autres que sur soi-même. La vie à l’étranger, dans des environnements où il faut s’adapter à une nouvelle culture, à des manières de faire et d’être différentes, ça ouvre l’esprit. On ne s’en rend pas compte sur le moment, mais chaque expérience, chaque rencontre nous façonne. Nous fait grandir. Et c’est quand on regarde dans le rétroviseur qu’on réalise le chemin parcouru.