« Wénak ? » « Chou Esmak ? » Voici deux questions typiquement libanaises qui ne demandent pas seulement « D’où viens-tu ? » Et « Comment t’appelles-tu ? » mais qui demandent également de quelle religion es-tu ? ou de quel clan es-tu ? En effet, à partir de la ville d’où je viens et de mon nom de famille, il est possible de déterminer mon appartenance religieuse et même le parti politique pour lequel je vais voter !
Le Liban est un pays confessionnel et compte pas moins de dix-neuf religions différentes reconnues officiellement. Ainsi, dès la constitution libanaise, nous retrouvons mêlées foi et identité. C’est l’identité du pays du cèdre, comme l’écrit Amin Maalouf dans Les identités meurtrières (1998), « L’identité ne se compartimente pas, elle ne se répartit ni par moitiés, ni par tiers, ni par plages cloisonnées, je n’ai pas plusieurs identités, j’en ai une seule, faite de tous les éléments qui l’ont façonnée, selon un « dosage » particulier qui n’est jamais le même d’une personne à l’autre ». De part cette complexité, le sentiment d’appartenance devient primordial pour s’identifier et appartenir à un groupe communautaire.

L’attachement des Libanais à leur terre est fondamental et c’est ce lien qui a fondé le Liban, entre mer et montagne. Ce pays est parti d’un rêve fou de faire cohabiter dix-neuf religions différentes dans un même endroit. Ainsi, demander d’où tu viens reviens à demander qui es-tu ?
En tant que volontaire français mais également en tant que fils de Libanais, la société et mon entourage libanais ont rapidement cherché à m’identifier. Il fallait alors que je réponde aux questions en disant que je suis maronite du nord du pays et que ma famille soutient tel ou tel homme politique qui doit être, un plus ou moins proche cousin.


A titre d’exemple, je suis allé fêter Noël dans ma famille libanaise, ainsi, le 24 décembre, je suis allé à la messe à la paroisse St Joseph puis le 25 au matin à la paroisse St Maroun. Au déjeuner familial du jour de Noël, mon oncle m’a demandé pour quel homme politique j’étais partisan puisque j’étais allé à deux messes mais dans deux paroisses différentes « appartenant » à deux hommes politiques différents ! Il m’a fallu un peu de temps pour expliquer que ma pratique religieuse n’avait rien à voir avec un potentiel soutien en politique. Cette anecdote montre à quel point le religieux est lié au politique et à l’identité de la personne.
L’appartenance confessionnelle
détermine les identités.
L’appartenance confessionnelle détermine les identités. Alors que le monde arabe est identifié comme un monde musulman, le Liban est, une fois de plus, à l’avant-garde et dans une certaine forme d’excès. On est chiite, sunnite, maronite, druze ou grec-orthodoxe avant d’être pauvre ou brimé. Même au sein d’une même religion, on est chiite, sunnite ou druze avant d’être de la même confession. C’est ainsi qu’au cœur de la crise, les leviers des révoltes sociales sont hypothéqués par le fonctionnement communautaire.
Il existe cependant une espérance pour ce pays, celle d’être un laboratoire du vivre ensemble. Certains libanais y croient vraiment, comme Fouad Abou Nader : « les chrétiens ont introduit les principes de l’acceptation de l’autre et de la liberté ». La relation entre foi et identité n’est pas un mal en soit mais il faut trouver une « formule de coexistence viable et vivable » (Fouad Abou Nader, 2021). Enfin, se battre pour un pays meilleur est également le meilleur moyen d’engager les jeunes, seule vraie espérance du pays !
