En cette période de Carême, Claire, enseignante de français au grand séminaire de Moramanga à Madagascar nous offre un témoignage plein d’humour sur le détachement du confort. Elle vit sa mission comme un chemin de purification et de conversion.
En tant qu’enseignante de français au grand séminaire interdiocésain de Moramanga, à 110 km à l’est de Tananarive (Madagascar), je loge et vis au rythme du séminaire. Je savais parfaitement qu’en partant à Madagascar pour deux ans, je devais renoncer au confort occidental auquel je suis habituée. Ainsi, depuis quatre mois, je dors dans un lit une place sur un pauvre matelas en mousse déformée. Mes repas ne sont ni savoureux ni équilibrés, même si la cuisinière s’efforce de me faire des frites (à la place du riz pâteux) et du « poulet de chair » (à la place du « poulet gazy », très coriace). Je dois limiter mes connexions Internet et n’ai pratiquement pas regardé la télévision depuis mon arrivée. Alors qu’en tant que Parisienne j’aimais me déplacer librement et rapidement en transports en commun, mes déplacements sont désormais pénibles du fait du très mauvais état des routes et de l’inconfort des taxis-brousse…


Tout cela n’a de sens, pour moi, qu’en fonction de ma foi en Jésus-Christ. Je ne doute pas que c’est Lui qui m’a envoyé ici et que c’est Lui que je sers à travers les 64 séminaristes et autres novices de Moramanga. C’est avec Lui que j’essaye de vivre chacune de mes journées. En ce Carême 2022, je ne me suis donc pas interrogée longtemps pour savoir quel effort faire plus particulièrement. Le simple fait d’accepter joyeusement ce qui m’est proposé quotidiennement à manger – même lorsqu’il s’agit de frites huileuses ou de poissons à goût de vase – me semble déjà une forme de privation.
Mais le détachement matériel qui m’est sans doute le moins facile est celui vis-à-vis de la propreté et de l’hygiène. Ici, tout est encrassé, pour ne pas dire sale : du sable s’infiltre et crisse partout dans les pièces ; les toiles cirées de la salle à manger des formateurs poissent ; les couverts et assiettes, lavés à l’eau froide, restent gras ; le frigo et le micro-onde sentent mauvais quand on les ouvre ; une odeur d’urine de rat flotte dans la cuisine des éducateurs ; la plupart des séminaristes ne connaissent ni le déodorant ni le dentifrice… Ces détails me coûtaient vraiment les premiers jours mais, peu à peu, je m’y suis faite – après avoir fait cependant un grand nettoyage de ce qui devait l’être ! Si bien qu’aujourd’hui, je peux presque dire que la saleté ici ne me choque plus, voire même, que je ne la vois ni ne la sens plus…
Je ne peux que rendre grâce à Dieu pour ce que ma vie de coopérante à Madagascar m’a déjà permis et me permet de simplifier, afin de me rendre plus libre pour L’aimer.
En ce Carême 2022, et de manière tout-à-fait involontaire, je vis donc certaines purifications. Purification de ma gourmandise et de mon attirance pour les choses savoureuses. Purification de mon jugement qui est prompt à classer et à exclure des lieux et des personnes en fonction de leur apparente propreté. Purification de ma curiosité qui ne trouve pas toujours de réponses satisfaisantes aux innombrables questions que pose la découverte d’une autre culture. Et d’autres purifications encore dont je n’ai pas forcément conscience. En ce sens, je ne peux que rendre grâce à Dieu pour ce que ma vie de coopérante à Madagascar m’a déjà permis et me permet de simplifier, afin de me rendre plus libre pour L’aimer.
