Justine est éducatrice scolaire au sein du Foyer Bouaké de l’association Claire Amitié internationale en Côte d’Ivoire. Celui-ci s’occupe de la formation globale de jeunes filles défavorisées afin de les aider à se construire, à trouver leur équilibre et leur plein épanouissement. Une éducation indispensable pour la société Ivoirienne.
Justine, tu es en contact quotidien avec de jeunes filles ivoiriennes, quel constat dresses-tu de l’éducation qu’elles reçoivent et de la place qui leur est préparée dans la société ivoirienne ?
L’éducation en Côte d’Ivoire est aujourd’hui dans un triste état. Le pays est classé avant-dernier pays africain par rapport à la qualité de l’éducation. Diplôme acheté, pédagogie inadaptée, manque de rigueur, niveau des élèves extrêmement bas… Le constat est sévère.
Pour les filles, le combat est encore plus grand. Même si la plupart démarrent leur scolarité en primaire, beaucoup abandonnent avant d’avoir obtenu le BEPC, afin de venir aider à la maison. Elles mettent alors une croix sur un avenir autonome.
Concernant le rôle des femmes, il est primordial en Afrique, et pourtant leur place et leurs missions dans ces sociétés patriarcales sont si difficiles. Elles portent seules la responsabilité de leur foyer, de leurs enfants, de leur maison. Elles sont au service de leur père, frère, ou mari et doivent subir le poids du regard de la société si elles ne sont pas à la hauteur des charges qui leur incombent dans leur rôle de femme. Il est très difficile de s’extraire de ces systèmes et encore plus lorsque l’on n’est pas éduqué.
Qui est ton partenaire d’accueil et comment favorise-t-il l’éducation des femmes ?
Claire Amitié a été créée en France au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Cette ONG est maintenant présente dans dix foyers en Afrique, au Brésil et au Cambodge. L’association est présente en Côte d’Ivoire depuis 1966. Aujourd’hui nous accueillons une centaine de jeunes filles défavorisées ou en difficulté au Foyer Claire Amitié Bouaké, un centre de formation professionnelle. Nous les formons pendant trois ans à un métier (couture, coiffure ou pâtisserie) mais surtout elles bénéficient d’une formation humaine pour qu’elles deviennent des FREE : des Femmes Responsables Epanouies et Entrepreneurs.
Claire Amitié est comme une grande famille. Chacune est accueillie telle qu’elle est : alphabétisée ou non, chrétienne ou musulmane, nantie ou non, sachant s’exprimer en français ou non. Les jeunes filles accueillies développent entre elles une relation de sœur. Les « doyennes » de troisième année accueillent et guident les nouvelles ! On sait travailler quand il faut travailler, mais on sait aussi faire la fête ! Journée de la femme, fête de Noël, de Pâques, remise des diplômes, chaque occasion permet de se détendre, se rassembler et danser !



Quelle est ta mission au sein de Claire Amitiés ?
J’ai été missionnée par la DCC auprès de Claire Amitié pour venir épauler Sœur Jeanne, la responsable du foyer de Bouaké. A ce titre, j’ai beaucoup de casquettes ! Je suis en charge du suivi pédagogique des programmes et des monitrices. Il faut s’assurer du bon suivi du programme, de la bonne préparation et animation des cours. Je suis également chargée d’animer le programme de Formation Humaine. Nous cherchons des thématiques et des intervenants sur des sujets comme : la santé (de la femme, de l’enfant), la confiance en soi, la psychologie homme / femme, ou encore des cours de secourisme. Je gère aussi l’atelier de confection. Nous y produisons des sacs, des carnets en pagne, des nappes et des tabliers, que nous cherchons à vendre à l’extérieur, afin de nous fournir des revenus pour le fonctionnement du foyer.
Je suis heureuse de contribuer à l’éducation et à l’éveil de jeunes femmes au parcours souvent difficile. Etant moi-même Maman de trois petites filles, je pense que mon rôle est de faire d’elles des futures jeunes femmes libres et responsables. Comment alors ne pas adhérer à la mission de Claire Amitié ?


Engagée avec la DCC au service du développement, comment ta contribution à l’éducation de ces jeunes filles y participe ?
En Afrique comme ailleurs, nous ne pouvons pas parler de développement sans parler de la condition féminine. Les femmes portent (au premier comme au second degré) le monde. Les femmes africaines nous montrent un visage extraordinaire de courage et de résilience. Leur société ne pourra pas se développer durablement si les femmes ne sont pas investies d’une place honnête et d’une reconnaissance.
L’égalité doit passer d’abord par l’éducation des jeunes filles et des femmes. Sans éducation, pas d’éveil des consciences, pas de connaissance de ses droits, pas de projets, pas d’autonomie financière… C’est cela aujourd’hui l’enjeu de développement durable (au sens de Laudato Si’).
Quant aux enjeux de développement environnemental, ils ne sont malheureusement pas d’actualité ici. Car comment prendre soin de son environnement si on lutte déjà pour se nourrir chaque jour ?