Volontaire ? Qu’est-il allé faire dans cette galère ?

En mission depuis plusieurs mois en République Démocratique du Congo (Congo-Kinshasa), Emmanuel a vécu quelques galères. Sécurité, santé, administration, il nous en fait le récit avec bonne humeur.

« L’Afrique a la forme d’un revolver dont la gâchette se trouve au Congo » a écrit Frantz Fanon. Une citation éloquente reprise pendant le module Contexte géopolitique de la semaine de préparation au départ de la DCC, à Chevilly-Larue. C’était deux mois avant de prendre mon vol le 7 décembre 2022, pour Kinshasa, en République Démocratique du Congo. Deux mois avant de commencer ce volontariat pour l’association Solidarité Batoto, au service de jeunes filles de la rue et de familles vulnérables.

Les jeunes filles accompagnées par l’association Solidarité Batoto Congo, avec leurs enfants

Sur le moment, j’ai senti une légère appréhension monter en moi : partir en RDC, vraiment ? Dans un pays où la carte de conseil aux voyageurs du Quai d’Orsay oscille entre la couleur orange sur la majeure partie du territoire, et la couleur rouge, dans la partie Est du pays (conflit avec le Rwanda, milices armées…) ? Ce qui signifie un pays où soit le territoire y est « déconseillé sauf raison impérative » ou bien « formellement déconseillé » ? Est-ce bien raisonnable ?

Fort heureusement, tous ces doutes se sont dissipés par l’échange avec d’autres volontaires et formateurs déjà partis dans le pays ou en Afrique centrale. Ils en étaient revenus avec un ressenti très positif, bien rassurant.

en tant que volontaire, les précautions

et le cadre sécuritaire sont solides 

Et plus tard, je comprenais que ces conseils du ministère des Affaires Etrangères étaient donnés à titre indicatif. En effet, les zones d’envoi de la DCC sont toujours sécurisées : l’envoi de volontaires DCC se réalise uniquement dans des zones d’aide au développement, jamais dans des zones d’intervention humanitaire. De plus, le module Sécurité de la DCC est très complet. Entre les diverses consignes à respecter une fois sur place et le fait que la DCC est en lien constant avec le Quai d’Orsay, le cadre est posé. En cas d’urgence, un interlocuteur de la DCC ou du service d’assistance peut répondre au volontaire 24h/24 et 7j/7. Je perçois très clairement que le départ s’effectue certes dans un pays qui comporte des risques, mais qu’en tant que volontaire, les précautions et le cadre sécuritaire sont solides.

Notre promotion DCC, en octobre 2021, alors sur le départ.

Une fois arrivé dans le pays de mission, tout ce qui est abstrait devient concret. Les sons et les odeurs, les visages et les paysages, tout s’entremêle… Le volontariat commence, avec inévitablement, ses « galères » ! Fort heureusement, le dicton familial « Un problème, une solution » s’est vérifié dans toutes les situations rencontrées.

Sur le plan de la santé, j’ai testé l’efficacité des médicaments antipaludéens en contractant la maladie à trois reprises. Ma température n’a cependant jamais dépassé les 40°C, une maladie finalement extrêmement commune dans le pays. Pourtant habitués à la gentillesse de mes collègues, j’ai cependant été touché à chaque fois par leur sollicitude, prenant des nouvelles quasiment quotidiennement, avec un message, un appel…

je me suis senti comme

mystérieusement entouré, protégé !

Leur attention a été encore incroyable lorsque je suis passé par la case hôpital à cause d’une urgence : une journée dans un box pour une crise de tremblements d’origine inconnue et une fréquence cardiaque très élevée… Toute l’équipe de la structure s’est déplacée à l’hôpital interrompant la journée de travail, simplement pour être à mes côtés. Le coordinateur de la maison a joué le rôle de garde-malades (qui fournit les repas, fait le lien avec les médecins) quand la présidente de l’association de confession chrétienne évangélique m’a appelé par téléphone pour une prière de guérison, après que le pasteur de l’association ait fait de même. Dans cet épisode, je me suis senti comme mystérieusement entouré, protégé !

Il m’est arrivé encore d’autres mésaventures dans les transports : des contrôles de police frauduleux, où je m’en suis sorti une fois avec les talents de pilote du chauffeur dans un « délit de fuite » plutôt compréhensible, l’autre fois grâce au porte-monnaie d’une passagère avisée. Ce que j’en retiens, c’est que dans les situations de galère en volontariat, il y a toujours une porte de sortie. Elles sont parfois difficiles à atteindre, surtout sur le plan administratif : j’ai dû attendre 3 mois pour le renouvellement de mon visa qui aurait dû être fait en 2 semaines… C’est une façon de se rapprocher de la population locale, qui vit constamment les dysfonctionnements de l’administration.

La place de l’université pédagogique de Kinshasa, symbole du bouillonnement des transports dans la capitale

Mais ce changement de culture n’est pas toujours de l’ordre de l’évidence dans la mission. Après la phase d’émerveillement des 3 premiers mois de volontariat, j’ai vécu une phase de profonde remise en question pour ma fonction de chargé de développement : est-ce que ma mission est vraiment utile ? est-ce que je sers à quelque chose ici ? est-ce que cela en vaut vraiment la peine ? Je venais sur mon lieu de mission à reculons, et j’en étais venu à me poser cette question ultime pour le volontaire : est-ce qu’il est bon que je poursuive la mission jusqu’à son terme ?

Fort heureusement, une fois de plus j’ai trouvé une des ressources les plus aidantes : les volontaires DCC sur place ! La famille FENG m’a offert des temps d’échange très ressourçant, de grande qualité, qui m’ont aidé à traverser cette période avec philosophie, en m’appuyant sur leur relecture, leurs analyses, leur expérience de vie, et plus simplement, en pouvant compter sur leur présence.

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En parallèle de ces échanges sur place, l’appui de la DCC en France m’a permis de bénéficier de temps d’écoute à distance avec une ancienne volontaire qui m’a donné des clefs de lecture sur la mission. Quelques semaines plus tard, j’étais de retour d’un voyage au Congo-Brazzaville (l’autre Congo), de retour pour la mission et extrêmement motivé à l’idée de la poursuivre. Ce sont les hauts et les bas du volontariat…

Avec la famille Feng, volontaires DCC à Kinshasa pour une école Monfortaine

dans l’adversité se trouve une part

de notre nature humaine 

Je retire deux leçons de ces « galères » vécues et surmontées.

La première leçon, c’est qu’au milieu de ces tempêtes, je ne suis jamais resté longtemps seul. Un volontaire est très bien entouré. Il  a tout un réseau de professionnels, de volontaires, et avant tout, des personnes formidables sur place, autour de lui, qui sont prêtes à pouvoir aider, avec toute leur bonne volonté. Encore faut-il, et c’est essentiel, avoir l’humilité de demander du soutien (ce qui ne m’a pas toujours été évident) !

La deuxième leçon, c’est qu’une prise de risques mesurée donne de la saveur à la vie ! « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. » écrivait un grand auteur… Un court échange avec une Française de passage en RDC illustre cette phrase. Il a eu lieu après un trajet d’une heure en jeep, sur une piste où nous nous étions souvent ensablés. Je lui ai posé la question suivante, alors qu’elle était à la fin de son séjour : « Qu’est-ce que tu aimes ici au Congo ? » Sa réponse est saisissante de simplicité et de profondeur : « Ici, c’est la vraie vie ! ». Car dans l’adversité se trouve une part de notre nature humaine, et le volontariat est un terrain très propice à cette découverte.