Baptiste est volontaire DCC et spécialiste de suivi et évaluation apprentissage du programme Wash en Mauritanie. Il nous raconte l’expérience de son volontariat auprès d’Unicef pour assurer aux populations locales l’accès à l’eau.
Avant d’aborder les thèmes de la sécheresse et la désertification en Mauritanie, il faut d’abord rappeler le contexte : il s’agit d’un vaste pays (1 030 700 km²), situé entre le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest. Occupé au ¾ par le Sahara, le climat est semi-désertique (jusqu’à 45°C dans l’intérieur du pays). Le pays a connu un développement encore très limité ; en 2020, par exemple : seulement 72% de la population avait un accès basique à une eau de boisson[1]. De plus, c’est un territoire qui est directement affecté par le changement climatique ; selon les prévisions du GIEC[2] :
- Il y aura une hausse de la température de l’air de 2,0 à 4,5°C d’ici à 2080 (par rapport à 1876), voir graphique ci-contre ;
- Il y aura une baisse de la disponibilité en eau par habitant de 77% d’ici 2080 (par rapport à 2000), accentuée par la croissance démographique et l’urbanisation.

Le pays, très peu doté en ressources en eau de surface et souterraine, est ainsi exposé à des événements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents (inondations, sécheresses…).
A présent , il convient de bien comprendre les dynamiques climatiques en Mauritanie et leurs effets déjà visibles. Le pays a connu des grandes sécheresses dans les années 1970 qui ont accéléré le phénomène de sédentarisation de la population et ont affecté durablement la recharge des nappes souterraines ; le phénomène est donc ancien. Les précipitations dans certaines parties du pays (ex : région du Guidimakha) ont chuté de ¾ par rapport aux niveaux enregistrés il y a 30 ans[1]. Les conséquences sont terribles : les périodes régulières de sécheresse accentuent le phénomène de « soudure »[2] pour les populations vulnérables en milieu rural et entrainent des famines pour celles qui n’arrivent plus à se procurer de la nourriture. En parallèle de cela, on peut clairement observer une avancée du cordon dunaire de l’intérieur vers l’Ouest du pays ; les communes du Nord-Est de Nouakchott sont régulièrement envahies par le sable. Mais il y a aussi des sources d’espoir ; comme le projet de la Grande Muraille Verte dont la Mauritanie fait partie intégrante. Il s’agit d’un projet gigantesque initié en 2007 qui vise à planter une ligne continue de végétaux sur près de 8 000 km de long entre le Sénégal à l’Ouest et Djibouti à l’Est (traversant 11 pays), afin de lutter contre l’avancée de la désertification dans le Sahel.
Et l’UNICEF dans tout ça alors ? L’organisation met en œuvre des programmes d’aide au développement et de réponse aux crises humanitaires dans le pays autour de l’enfant et de la femme. La section WASH (Eau-Hygiène-Assainissement) dans laquelle je travaille, vise ainsi à renforcer le secteur de l’eau dans le pays, en agissant au niveau institutionnel (ex : plaidoyer auprès du gouvernement pour l’intégration du changement climatique dans la stratégie nationale), et au niveau opérationnel (ex : réalisation de forages d’eau potable à énergie solaire pour les communautés les plus vulnérables et les plus isolées). Et ma mission en tant que volontaire est de suivre les différentes activités à travers le pays et d’assurer le reporting des indicateurs pour la section. J’ai donc la chance d’aller souvent sur le terrain, pour vérifier le bon déroulement des activités et récolter des remontées des communautés et des partenaires. Je me souviens notamment que lors d’un déplacement dans une localité reculée de l’est du pays (Tiby), j’étais surpris de constater des dégâts sur les installations d’eau ; il s’agissait en fait des actes de vandalisme de la part d’une communauté voisine. Nous avons alors appris qu’il y avait un conflit entre les populations à propos de ce nouveau point d’eau solaire installé. Conflit qui auparavant n’existait pas car chaque communauté allait puiser son eau dans les puits traditionnels autour… Je réalisais ainsi la complexité de ces enjeux dans la région !

Les phénomènes de désertification et de sécheresse sont très visibles en Mauritanie, et vont s’accentuer de plus en plus dans les prochaines années. Il y a donc là une réelle urgence. Avec ma mission à l’UNICEF, je me rends compte à quel point cela exerce une pression grandissante sur la ressource en eau, déjà limitée dans ce pays semi-désertique. Je suis heureux de voir que nous pouvons ainsi aider ces populations en leur apportant de l’eau même si je suis conscient des défis à venir avec le changement climatique. Il va donc falloir redoubler de concertation et d’innovation pour adapter les solutions face aux impacts déjà bien présents. Je reste malgré tout impressionné par le courage et la force de résilience de ces populations qui résistent et s’adaptent, dans une forme de simplicité et de philosophie de vie pleines d’enseignements pour nous tous !

[1] Source : AFP – 2022. [2] La “soudure” correspond à la période critique pour les agriculteurs entre la fin des vivres issus de la récolte précédente et le début de la prochaine récolte.
[1] Source : Rapport Joint Monitoring Programme UNICEF / OMS 2020. Un accès « basique » à une eau de boisson se définit (selon le JMP) par un approvisionnement en eau auprès d’une source améliorée qui se trouve à 30 minutes (ou moins) en aller-retour du domicile.
[2] Source : Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), German Federal Ministry for Economic Cooperation and Development (BMZ) – 2021.