Le 26 mai après-midi j’atterris à Beyrouth au Liban, en compagnie d’Aude et Hélène, chargées de mission bénévoles. Elles effectuent la visite annuelle sur le terrain à la rencontre des volontaires et des partenaires de la DCC. Cette année Aude fera la passation auprès d’Hélène qui prend la relève.
Les premières formalités
Notre première visite fut pour l’ambassade de France, pour un point sur les volontaires en mission, les formalités administratives de visa, ainsi que les questions de sécurité. Ainsi le nouveau visa de volontariat va rendre quasiment impossible les missions de courtes de durée (3 à 6 mois). Une contrainte à prendre en compte pour l’ouverture des futurs postes. Quant à la sécurité, près des deux tiers du pays sont dits « zones rouges » c’est-à-dire formellement déconseillés aux ressortissants français …
Auprès des migrants et réfugiés avec l’INSAN
Très vite s’enchaînent les visites des volontaires et de nos partenaires. Nous nous rendons à l’INSAN, une association créée par Charles en 2000, qui agit auprès des réfugiés et des migrants. Elle propose un accompagnement psycho-social et juridique, un centre d’accueil et une structure éducative pour les enfants. L’INSAN vise à l’intégration des populations accueillies sans faire distinction d’origine ou d’appartenance confessionnelle.
Thomas, volontaire de la DCC, est arrivé il y a deux ans pour développer les financements par les bailleurs internationaux. Il est très heureux de cette expérience, même si parfois il s’interroge sur le sens du volontariat pour une mission qui s’apparente pour lui, professionnel du fundraising, à un job classique. Aude et Hélène prennent alors le temps de rappeler en quoi la présence d’un volontaire non libanais contribue à développer une culture de cohésion dans ce pays si fragmenté où chacun vit à l’abri de sa communauté. Sans oublier que trouver un professionnel de la collecte de fonds libanais serait compliqué et hors de budget pour le partenaire.
Aux côtés des enfants sourds à l’IRAP
A l’IRAP, nous arrivons dans un havre de paix. Ici il est question de l’éducation des enfants sourds et de l’accompagnement des familles. 80 enfants sont scolarisés et plus d’une centaine d’autres bénéficient de services spécialisés, comme l’audiométrie, le dépistage précoce, l’orthophonie, ou la psychomotricité. L’IRAP a été fondé par Jeanine et quelques autres femmes célibataires qui ont choisi de consacrer leur vie à ceux que la société laisse à part. Leur œuvre est construite sous le regard et l’inspiration du Christ. Janine impressionne par sa détermination, sa profonde humanité, son intelligence de la situation… autant dire un grand charisme. Ce qu’elle recherche chez les volontaires DCC ce sont des compétences tout autant qu’une attitude personnelle au quotidien, l’esprit d’équipe, de partage, de vie simple. C’est ainsi qu’Emilie, volontaire DCC, a fait sa place, attentive aux personnes qu’elle accompagne tout comme aux aînées de la communauté.
A travers ces visites en prise directe avec le terrain je découvre un peu plus ce pays si attachant et singulier. Après 15 ans de guerre civile meurtrière entre 1976 et 1990, puis le conflit avec Israël en 2006, le Liban toujours à la recherche d’un équilibre entre ses composantes confessionnelles chrétiennes, sunnites et chiites, subit très directement les effets de la guerre en Syrie en accueillant plus d’un million de réfugiés, s’ajoutant aux palestiniens sans patrie, soit environ 25% de réfugiés au Liban !
Le pays subit les pressions des factions internes, celles des pays pro-sunnites, pro-chiites ou pro-chrétiens, celles des autres puissances régionales ou internationales qui exercent leur influence au Moyen-Orient ou sur la scène internationale. Comment ce pays peut-il s’en sortir dans ces conditions ? Il sait profiter des accalmies pour reconstruire. Il ne manque pas de compétences. Il est soutenu financièrement par le secteur privé, la diaspora, ou l’aide internationale. Il semble avoir une capacité de résilience étonnante, avec un sens des affaires légendaire. Notre visite ne parviendra pas à percer tous les mystères…
Contre un mur criblé de balles, stigmate de la guerre civile que personne ne souhaite plus revivre, le prophète Elie baisse la garde de l’épée et semble indiquer le ciel comme unique salut, pour que tous soient un dans l’Amour : « Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi je sois en eux » (Jn 17, 20-26).