Bernadette est formatrice au sein de la JUK CFF, un centre de formation pour femmes, à Kenitra, au Maroc. Celui-ci est spécialisé dans l’accueil des enfants porteurs de troubles cognitifs spécifiques ainsi que des jeunes filles de 15 à 18 ans, issues de milieux modestes. Grâce aux formations qu’il propose, le centre permet à ces jeunes femmes d’acquérir les outils nécessaires pour devenir responsable et autonome.
La JUK CEF permet aux jeunes filles de se construire et acquérir toutes les clés nécessaires pour gagner leur vie plus tard. Pourrais-tu nous dire quelques mots sur ton partenaire d’accueil ?
Les jeunes femmes viennent pour la plupart d’un milieu modeste. Leur niveau scolaire est très hétérogène mais dès leur arrivée au centre elles ont noué des liens très forts entre elles. Au centre JUK CEF, elles développent un sens très fort de la solidarité, du partage et font preuve de beaucoup d’empathie. Elles n’hésitent pas à s’entraider quand l’une d’entre elles rencontrent des difficultés souvent matérielles. Par exemple, toutes n’ont pas les moyens de prendre les transports pour venir au centre de formation et celles qui ont le plus de facilité financière vont subvenir aux besoins de l’autre. Ils leur arrivent également de se cotiser entre elles pour organiser une fête ou préparer un repas.
Tu travailles auprès des enfants et jeunes filles marocains au sein du centre. Peux-tu nous parler de ta mission ?
Je suis formatrice et donne des cours de psychologie petite enfance, recherche technique d’emploi, aide aux premiers secours et des cours de rattrapage en français. J’aime leur transmettre un savoir, des connaissances. Je m’appuie sur mes expériences pour que ces jeunes femmes puissent avoir suffisamment d’outils qui leur permettra à leur tour, de se mettre au service des enfants. Mais, je reste avant tout, éducatrice spécialisée et une partie de ma mission consiste à les écouter dans ce qu’elles vivent au quotidien, les aider si possible à traverser des situations familiales compliquées. Ces échanges leur permettent également de mettre en pratique l’usage du français.
En quelques semaines, j’ai pu instaurer une relation de confiance avec elles en ayant à leur égard une écoute bienveillante et faire en sorte aussi que mes cours puissent leur permettre de s’exprimer. Certaines femmes divorcées m’ont parlé du regard désapprobateur de leur entourage et des sollicitations ambiguës des certains hommes.
La place de la femme est de type traditionnel
mais elle commence progressivement à s’émanciper par
le travail notamment dans les grandes villes.
Comment perçois-tu l’importance de l’éducation des femmes dans la société marocaine ? Qu’apporte l’enseignement de la psychologie petite enfance à ces jeunes filles ?
Le rôle de de l’éducation au Maroc est de s’insérer dans la société et s’inscrire dans les us et coutumes encore très prégnantes. La place de la femme est de type traditionnel mais elle commence progressivement à s’émanciper par le travail notamment dans les grandes villes. Elles ont également moins d’enfants. Toutefois, tout comme en France les métiers du take care incombent toujours aux femmes.
Concernant l’enseignement de la psychologie petite enfance leur apporte une autre façon d’appréhender l’enfant dans sa dimension individuelle et interpersonnelle en lien avec leurs pairs. Cela permet également de prendre en compte tout le domaine affectif et émotionnel primordiaux dans la petite enfance.
De plus, je favorise beaucoup les échanges spontanés entre les jeunes filles et lors d’un cours, nous avons pu aborder le sujet des fiançailles au Maroc. L’une d’entre elles nous a alors partagé qu’elle vivait en couple ce qui a suscité de très vives réactions et de remontrances de la part des autres jeunes.
Selon toi, quel est l’impact de l’éducation féminine au Maroc sur la vie des femmes ?
De mon point de vue, je sens à Kénitra un fort désir d’émancipation, un désir de connaissance et une envie de bouger un peu les lignes entre les hommes et les femmes même si elles demeurent encore très traditionnelles dans leur façon de se présenter à l’autre (habillement, pas de maquillage…). Le centre, lui, veut s’inscrire dans la modernité et certaines femmes veulent reprendre des études à la faculté pour parfaire leur connaissance.