ENTRETIEN 2/2 – Anta Akhi est une association libanaise partenaire de la DCC depuis 20 ans. Marie est en mission de volontariat comme chargée de communication et projets auprès d’Anta Akhi. Après nous avoir présenté cette association, elle nous précise la place qui y est la sienne.
Si Anta Akhi sensibilise les visiteurs et les personnes formées, sa vocation première n’est pas de faire du plaidoyer. Quelle place occupe alors la communication dans son action ?
L’unité communication et projet est la principale source de revenus de l’association, parce qu’à travers elle, des installations comme un système de panneaux solaires ou bien l’assainissement du bâtiment ont pu être réalisés. L’argent récolté sert aussi à toute la vie de la maison, l’eau, l’électricité, les salaires du personnel, etc. S’il n’y a pas de projets, il n’y a pas de donateurs et Anta Akhi ne pourrait pas assurer sa mission auprès des jeunes adultes atteints de handicap. Pour la partie communication, nous essayons de toucher le maximum de personnes via nos lettres de nouvelles envoyées à tous nos amis, au Liban et à l’étranger. Elles retransmettent notre vie à Anta Akhi, nos valeurs et rappellent les deux objectifs principaux de notre mission : opérer un changement de regard de la société envers le handicap et promouvoir un vivre ensemble, dans la différence mais complémentaires, en frères. Pour nous il est aussi très important d’exporter notre mission et notre action au plus grand nombre. Et la partie communication y participe grandement, d’où son importance.
A voir aussi : entretien 1/2 – Anta Akhi au Liban : une deuxième maison pour les jeunes adultes atteints de handicap
Comment y prends-tu part ?
J’écris l’ensemble des projets et suis en charge de la recherche de nouveaux bailleurs de fonds. Je rédige aussi les bilans et les lettres de nouvelles pour la partie communication. J’aime de plus en plus mon travail, parce que je m’y sens plus à l’aise et capable d’évoluer, même s’il est parfois frustrant, fatiguant, stressant. Mais les efforts en valent la peine !

Tu parles d’efforts, on imagine bien que tes débuts ont été quelque peu bouleversants.
Les premières semaines furent en effet pleines de craintes (milieu inconnu, nouveau pays, nouvelle culture, peur de ne pas être à la hauteur dans mon travail, puisqu’elle est ma première expérience en projets et communication, etc.). On prend une grande respiration et puis on y va. De toute façon, je ne pouvais pas reculer. J’ai alors commencé par les saluer, un par un. Certains jeunes m’ont chaleureusement accueillie, d’autres n’ont pas haussé un sourcil. Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie si petite en faisant impuissamment face au handicap, un monde auquel je ne connaissais rien et qui allait pourtant devenir le centre de mon expérience et ce pourquoi je me lève chaque matin. Des fauteuils roulants, des sourires, de l’arabe, de la musique et puis un chant de bienvenue. Mais au fur et à mesure de mon tour de table interminable, mon cœur s’est réchauffé et mon esprit s’est apaisé. Il fallait juste un temps d’atterrissage.
Dans un pays en grande difficulté…
Je ne sais pas si tous les lecteurs sont au fait de la situation catastrophique, et malheureusement trop peu médiatisée, de la situation du Liban. Une crise économique qui s’aggrave, une instabilité politique qui dure depuis des années, une crise sanitaire et j’en passe, plongent la société libanaise dans une grave précarité. Donc nous n’avons pas d’électricité toute la journée, la nourriture est rationnée car elle provient à 100% de dons en nature, la connexion internet est très lente par rapport à la France (ce dernier point est anecdotique, mais lorsque l’on travaille dans un bureau, ça l’est beaucoup moins). Donc oui, l’impact sur le confort au quotidien est bien présent, mais franchement, en tant que volontaire, c’est facile de s’adapter. Je suis nourrie et logée, j’ai du chauffage en hiver et de l’eau chaude. La plupart des libanais n’auront pas cette chance. Donc ce qui est plus dur, c’est de voir comment leur quotidien est affecté très durement et ce depuis plusieurs années maintenant, que les perspectives de changement sont minces et que l’on se sent si impuissant face à cette situation.

on ne se rend pas vraiment
compte du choc (très positif)
d’un changement radical de vie.
Comment vis-tu cet environnement radicalement différent pour toi ?
Je crois que l’on ne se rend pas vraiment compte du choc (très positif) d’un changement radical de vie. L’effort inconscient mais constant que l’adaptation demande. Même si « avoir une capacité d’adaptation » est fortement conseillée lorsque l’on se fait déraciner, il n’est jamais simple de « s’acculturer ». Pour l’apprentissage de l’arabe, nécessaire à une bonne intégration, eh bien… chwe chwe (doucement), les phrases se forment, le vocabulaire s’implante dans mon cerveau. Ce n’est franchement pas facile et cela demande du travail, mais il est tellement frustrant de ne pas pouvoir communiquer ni comprendre que je redouble de motivation pour apprendre !
Face à l’engagement que cela te demande, comment trouves-tu ton équilibre ?
J’ai vite compris qu’il était aussi important de trouver des activités hors de la maison, qui est mon lieu de vie et de travail. Je trouve cela assez sain de pouvoir s’aérer la tête, fréquenter de nouvelles personnes qui n’ont pas de relation avec la mission. Il faut trouver la bonne balance en étant bien impliquée dans la mission, car c’est avant tout pour cela que l’on est envoyée, mais il est aussi très important de pouvoir développer tout un réseau hors de cette dernière. Et surtout, il ne faut pas culpabiliser d’avoir une vie sociale à côté. Cela a été mon sentiment pendant quelques semaines et puis je me suis rendue compte que c’était nécessaire et que tout était qu’une question d’équilibre. Donc plus concrètement, je fais beaucoup de sport (course à pied, même si dans la montagne cela devient plus du trail, randonnée et yoga). Aussi, avec les autres volontaires, nous aimons cuisiner et surtout pour les jeunes du foyer. Alors nous faisons des gâteaux et une fois par mois nous cuisinons un repas entier pour tout le monde (ce mois-ci c’est lasagnes de légumes et tiramisu). Enfin, la lecture et l’écriture sont aussi mes meilleures amies ici.
par la recherche de fonds
et la communication,
je suis aussi à leur service
Tout cela pour quel résultat ?
Connaitre le monde du handicap a été quelque chose de tout à fait nouveau pour moi. Une difficulté certainement au début, par manque de connaissance. Mais c’est aussi un monde rempli de leçons de vie et de joie, qu’on se sent très vite à l’aise de côtoyer.
On peut avoir l’impression d’être moins utile en travaillant derrière un ordinateur et pas directement auprès des jeunes, mais par la recherche de fonds et la communication, je suis aussi à leur service et permets au Foyer de Tendresse de continuer sa mission.
Au bout de ces sept mois, je constate que les efforts en valent tellement la peine ! Pour rien au monde je ne voudrais échanger ma place.
