D’après un rapport de la banque mondial, le continent africain est la région du monde qui connaît la plus forte croissance en matière de déchets. S’il va de soi que le meilleur déchet demeure celui qu’on ne produit pas, la gestion des déchets constitue un enjeu de développement. Au Togo et en Côte d’Ivoire, Moi Jeu Tri, partenaire de la DCC, prend activement part à cette transition écologique.
Bonjour Thibault, peux-tu nous présenter Moi Jeu Tri, auprès de qui tu es volontaire ?
Moi Jeu Tri est une ONG fondée au Togo en 2017. MJT porte 4 missions, la principale c’est l’éducation environnementale et plus particulièrement au tri et au recyclage des déchets. Vient ensuite la construction de filières de collecte et valorisation de déchets, la formation et l’insertion professionnelle, et enfin un rôle de plaidoyer et d’accompagnement des collectivités locales dans la transition écologique. D’abord active dans les écoles de Lomé (Togo), elle s’est ensuite internationalisée et intervient depuis 2020 dans celles d’Abidjan, en Côte d’Ivoire. Implantée dans près de 200 écoles, avec plus de 100.000 enfants sensibilisés à ce jour, MJT prévoit de se développer dans un troisième pays d’Afrique de l’Ouest à moyen terme, pour atteindre un million d’enfants sensibilisés et engagés pour l’environnement en 2025.

Quel est le constat de départ ?
L’Afrique subsaharienne est la région du monde qui produit le moins de déchets, mais la problématique des déchets croît rapidement, de pair avec l’urbanisation. La Banque mondiale a estimé en 2018 que le volume des déchets devrait tripler d’ici 2050. Les produits à usage unique sont de plus en plus courants, comme les sachets pour boire de l’eau, car l’on vit encore beaucoup au jour le jour. Or, jusqu’à présent, la gestion des déchets consiste au mieux dans du stockage en décharge, au pire elle est inexistante. Il y a beaucoup de déchets sauvages et la pratique du tri n’est pas répandue. Pourtant, il y a de vrais facteurs d’espoirs. Premièrement, la poubelle ivoirienne est constituée à 50% de déchets organiques qui peuvent être valorisés assez facilement. Deuxièmement, certains vieux usages de consommation persistent, la réutilisation est notamment beaucoup plus usuelle qu’en France, les déchets ne sont pas automatiquement considérés comme étant sans valeur. Enfin, de nombreuses initiatives se développent pour favoriser la valorisation des déchets.
Sur quelle intuition se fonde la démarche de Moi Jeu Tri ?
L’idée est de faire de l’école un acteur majeur dans la chaîne de gestion et de valorisation des déchets recyclables. Deux raisons à cela. La première correspond à la vision de Moi Jeu Tri : faire de l’enfant un acteur du changement au sein de la société et de sa famille. Les enfants sont sensibilisés et partagent ensuite à leur entourage les bonnes pratiques. Un cycle vertueux est alors créé. Ensuite, les écoles sont aussi bien réparties dans les villes et permettent un maillage efficace et sécurisé du territoire pour la collecte.

Quelle forme ce cycle vertueux prend-il ?
On sensibilise les enfants sur la protection de l’environnement, l’importance d’une bonne gestion des déchets, on apprend ensemble à faire le tri. On fait ça d’abord dans la cour avec toute l’école puis classe par classe, de manière ludique. Mais cela ne s’arrête pas là : on va installer des bacs de tri de couleurs différentes (plastique, papier, métaux) dans les écoles et encourager les enfants à ramener les déchets ménagers à l’école. En reproduisant chez eux ce qu’ils ont appris à l’école, les enfants transmettent ces bonnes pratiques à leurs familles. En plus de cela, nous allons élargir notre capacité de collecte avec l’installation prochaine de composteurs dans les écoles pour valoriser les biodéchets.
Que se passe-t-il au-delà de l’école ?
Nos équipes de collecte vont ensuite passer récupérer les déchets dans les écoles et effectuer un deuxième tri plus qualitatif. Ces déchets seront ensuite revendus à des partenaires locaux pour être valorisés (déchets papier deviendront des crayons à papier par exemple). La cagnotte générée par la vente de ces déchets sera utilisée pour financer des projets sociaux dans les écoles qui ont collecté. En plus d’un environnement propre, les enfants peuvent alors apprécier d’autant plus les effets positifs du tri (nouveaux livres scolaires, installation de latrines, équipement d’un orchestre, etc.).
Aussi, chaque membre des équipes de collecte MJT est recruté auprès des missions locales ivoiriennes, s’adressant à des personnes éloignées de l’emploi. Formées puis engagées au quotidien au sein de MJT, l’objectif à terme est de leur assurer une insertion professionnelle durable chez MJT ou au sein d’entreprises partenaires. En 2020, nous avions recruté 5 jeunes, 3 ont été recrutés par des partenaires, 2 travaillent encore chez Moi Jeu Tri.

Au sein de Moi Jeu Tri, quelle est ta mission ?
Je suis responsable Opérations et Finance. J’alterne entre missions programme, RH, logistique, relations partenaires, gestion budgétaire et comptable, levée de fonds, etc. La jeunesse de notre structure rend ma mission assez large et responsabilisante, et donc d’autant plus passionnante.
Après cette première année de mission, quel constat fais-tu ?
L’ONG fonctionne très bien et grandit vite. Je suis ravi de voir que l’on remplit les objectifs fixés. La variété de ce qu’entreprend Moi Jeu Tri est un réel défi, mais cette complexité est indispensable devant les enjeux évoqués précédemment. Créer des écosystèmes territoriaux autour de la transition écologique est particulièrement difficile mais nécessaire et enthousiasmant.
Il est usuel pour un européen de passage ici de souligner le manque de propreté, le retard écologique par rapport aux pays européens. Bien qu’il y ait une multitude de défis à relever sur ce sujet, j’ai aussi observé une culture écologique présente chez beaucoup d’ivoiriens, qui se manifeste simplement différemment. Les enfants d’ici ne sont peut être pas encore au point pour le tri des déchets mais pourront vous donner l’histoire et les bienfaits de chaque arbre de leur forêt.
J’aimerai que les choses se fassent plus rapidement, même s’il va de soi que de tels changements demandent du temps. C’est notamment pour cette raison que j’ai choisi de prolonger ma mission.
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